Article proposé par Exponaute

Un livre, une œuvre : Nicolas Poussin représente les Métamorphoses d’Ovide

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Cinquième et dernier épisode de notre série sur les grandes œuvres littéraires qui inspirent les artistes ! Pour cet ultime volet, nous partons pour le XVIIe siècle, à la rencontre de Nicolas Poussin. Nommé premier peintre du Roi sous le règne de Louis XIII, Poussin affectionnait tout particulièrement les sujets historiques, religieux et mythologiques, qu’il plaçait souvent dans des paysages animés. Attardons-nous sur une toile de ce grand artiste Classique reprenant un épisode des Métamorphoses d’Ovide : celui d’Écho et Narcisse…
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Nicolas Poussin, Écho et Narcisse, vers 1630 © Musée du Louvre

L’épisode mythologique du couple formé par Écho et Narcisse est bien connu, notamment grâce au livre III des Métamorphoses d’Ovide, dont la version est passée à la postérité. La naissance du jeune Narcisse est marquée par un terrible présage : le devin Tirésias, à qui l’on demanda si le jeune garçon atteindrait l’âge adulte, répondit que ce serait le cas, à la seule condition qu’il ne se rencontre pas.

En grandissant, le jeune homme se révèle d’une beauté exceptionnelle, beauté qui le remplit d’orgueil. Fier de lui, le jeune Narcisse repousse tous ses prétendant(e)s, y compris une belle nymphe, Écho, tombée follement amoureuse de lui. Puis, ce qui devait arriver arriva.

Représenter le drame

Un jour qu’il se reposait au bord d’une source après une journée de chasse, Narcisse aperçoit son reflet dans l’eau et en tombe immédiatement amoureux. Le bel éphèbe restera des jours et des jours à contempler son propre visage dans l’onde, jusqu’à en mourir. La nymphe Écho, qui n’avait pas renoncé à son amour bien qu’elle ait été éconduite, tente d’attirer l’attention du jeune homme en répétant inlassablement ses soupirs : « Hélas ! », « Hélas ! ». Après la mort de Narcisse, de petites fleurs blanches pousseront à la place de sa chevelure, tandis que la pauvre nymphe éplorée se changera peu à peu en rocher, depuis l’endroit où elle interpellait l’homme qu’elle aimait.

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Nicolas Poussin, Autoportrait, 1650 © Musée du Louvre

Attiré par la dimension dramatique de la scène, c’est en toute logique la conclusion du mythe que Nicolas Poussin a choisi de représenter sur sa toile, aujourd’hui conservée au Musée du Louvre. On considère souvent cette toile comme une œuvre réalisée avant que le peintre n’atteigne sa véritable maturité artistique, pourtant, tous les codes du classicisme sont là, bien présents et surtout admirablement maîtrisés.

Grand équilibre d’une composition triangulaire, esthétique fondée sur une quête de la perfection, nature environnante créant un écho (sans mauvais jeu de mot ) avec le sujet principal de la peinture… Poussin est déjà un grand maître, au pinceau assuré et à la touche sûre d’elle.

La transformation

Au premier plan, le spectateur contemple le personnage de Narcisse allongé, mort, au bord du cours d’eau dans lequel il a découvert, moment fatal, son visage. Pourtant, la posture dans laquelle Poussin a dépeint le jeune chasseur est tout ce qu’il y a de plus apaisée, la position relâchée de ses bras et ses traits doux tendraient à nous évoquer la mort plutôt que le trépas.

Autour de sa taille, est nouée une étoffe immaculée et écarlate, symboles de sa virginité mais aussi de sa passion dévorante pour son propre reflet, qui causa sa perte comme l’avait annoncé le devin au moment de sa naissance.  Résultant de la mort du bel éphèbe, Poussin a représenté le processus de transformation de la chevelure de Narcisse en fleurs qui portent son nom.

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John William Waterhouse, Écho et Narcisse, 1903 © Walker Art Gallery, Liverpool

L’intérêt et le regard du spectateur sont donc entièrement tournés vers le personnage tragique du mythe grec, à tel point que la pauvre nymphe Écho s’en trouve reléguée au second plan, au sens propre comme au figuré. À demi-allongée contre un rocher (dont elle est appelée à prendre la forme suite à l’ignorance de Narcisse), la jeune femme semble se fondre dans le paysage, ses traits sont à peine esquissés par Nicolas Poussin.

Une manière, pour l’artiste du XVIIe siècle, de rappeler son rôle : Écho ne deviendra peu à peu plus qu’une voix condamnée à répéter inlassablement celle des autres, son corps en lui-même, importe peu et doit tomber dans l’oubli. Là aussi, le processus de métamorphose a commencé pour elle : sa peau a pris la même couleur que le rocher contre lequel elle est appuyée, et ses pieds ont déjà disparu dans le sol…

Découvrez nos précédents épisodes de la série Un livre, Une oeuvre dédiés à Rodin, Shakespeare, Milton et le cycle arthurien !

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