Article proposé par Exponaute

Ai Weiwei installe des milliers gilets de sauvetage de migrants à la Berlinale

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L’artiste, après avoir annoncé vouloir ouvrir un mémorial aux réfugiés sur l’île de Lesbos, continue d’affirmer son soutien à ces derniers. Alors que le festival de cinéma bat son plein en Allemagne, le dissident chinois a accroché des milliers de gilets de sauvetage aux colonnes du KonzertHaus de Berlin.
CNN

Le KonzertHaus de Berlin investi par Ai Weiwei © DR

On en dénombre 14 000. 14 000 gilets de sauvetage orange, usés, déchirés, qui ont été soigneusement liés entre eux avant d’être solidement attachés aux fières colonnes du KonzertHaus de Berlin, tandis que d’autres étaient empilés juste aux pieds du bâtiment, sur la place du Gendarmenmarkt à Berlin.

En haut de la volée de marches qui mène à la salle de concert, un canot pneumatique surplombé d’une affiche tançant les passants et les pouvoirs publics de ce message simple Safe Passage. Sans oublier le hashtag indispensable, parce qu’il faut bien s’assurer de la résonance de l’événement sur les réseaux sociaux ; moyen de communication de choix pour Ai Weiwei.

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La banderole Safe Passage accompagnant l’installation © DR

Dépassant le rouge, c’est l’orange qui semble devenir la couleur du danger à notre époque. Cet orange fluo des gilets de sauvetage utilisés par les migrants fuyant les conflits qui ravagent le Moyen-Orient depuis une demi-décennie. Un habillage des plus déroutants pour ce grand bâtiment de style néo-classique qui, par ses dimensions saisissantes, expose aux yeux de la capitale allemande le triste sort de ces personnes anonymes qui prennent de gros risques pour traverser la mer Méditerranée.

Par cette installation éclatante et alarmante, Ai entend bien tirer sur la corde sensible de la culpabilité des passants qui s’apprêtent à assister à une représentation dans des salons feutrés, tandis que des familles entières tentent des traversées périlleuses, attirées par la lumière du phare d’une vie meilleure.

L’œuvre de l’activiste rappelle, bien sûr, une précédente création datant de 2009, quand Ai Weiwei avait accroché 9000 cartables et sacs à dos en mémoire des victimes du tremblement de terre du Sichuan. Le séisme avait fait 70 000 victimes et 18 000 disparus.

L’artiste avait alors fortement critiqué la construction des bâtiments de cette région chinoise, dont la conception n’était absolument pas pensée pour répondre aux risques sismiques, pourtant avéré dans cette zone du globe. Selon lui, le gouvernement chinois avait délibérément bâti écoles et maisons à moindre coût et est donc en partie responsable du très grand nombre de victimes de ce cataclysme survenu en 2008.

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Les gilets en cours d’installation © Michael Kappeler

Cette installation implacable, sans concession, correspond cependant pour certains observateurs à une gradation du goût d’Ai Weiwei pour les installations-spectacles et les coups d’éclat. Vivement engagé en faveur de l’aide aux migrants, l’artiste asiatique avait récemment annoncé la fermeture de deux de ses expositions au Danemark, quand les autorités danoises avaient annoncé sa volonté de saisir les biens des réfugiés ayant une valeur supérieure à 1340€.

Quelques temps plus tard, on le retrouvait  posant allongé sur une plage de Lesbos, reproduisant la photographie du corps d’Aylan Kurdi, jeune syrien mort noyé prises par la journaliste Nilüfer Demir. Une action de trop pour l’opinion publique, qui avait vu dans cette image une mise en scène obscène, peu respectueuse de la famille de l’enfant et reflétant le penchant de l’artiste à vouloir à tout prix faire parler de lui.

Toujours est-il qu’une fois encore cette installation rencontrera un écho dans la presse et sur les réseaux sociaux, une piqûre de rappel pour un chiffre terrible : en 2014, 3700 personnes sont mortes en tentant de traverser la Méditerranée, selon les statistiques de l’Organisation Internationale pour les Migrations.

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