Article proposé par Exponaute

Sulfureux Robert Mapplethorpe à la galerie Thaddaeus Ropac

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Artiste immanquable de la scène photographique américaine, Robert Mapplethorpe a prouvé pendant sa courte, mais prolifique carrière, qu’il maîtrisait à la perfection le noir et blanc. Sa gestion de la lumière au cordeau, comme ciselée, sublime ses portraits, ses natures mortes et ses nus masculins. La galerie Thaddaeus Ropac dédie un accrochage à l’étape la plus sulfureuse de sa carrière : celle dédiée à l’érotisme et à l’homosexualité.
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© Robert Mapplethorpe

Aujourd’hui reconnu comme un des plus grands maîtres de la photographie d’art, Robert Mapplethorpe a su laisser une empreinte durable dans le monde de l’image argentique, alors qu’il pratiqua cet art pendant un peu moins de dix-neuf ans. Doté d’un œil aiguisé, d’un sens critique très aigu et d’une sensibilité aux jeux d’ombre et de lumière, le photographe ne tarda pas à affirmer son style, unanimement salué de nos jours.

S’illustrant dans la nature morte et dans le portrait (avec sa modèle de prédilection Patti Smith), l’américain traîne cependant encore une réputation qui sent le souffre, en particulier lorsqu’on évoque son milieu de carrière. C’est en effet au cours de cette période qu’il centre son travail sur l’esthétique gay, les nus masculins, voire parfois l’univers obscur des pratiques sadomasochistes.

À noter que le curateur de l’exposition n’est autre que l’architecte d’intérieur et designer Peter Marino. Célèbre pour ses conceptions de boutiques de luxe autant que pour son look… atypique, Marino est à la tête de son cabinet d’architecture depuis 1978 et jouit d’une reconnaissance internationale depuis près de vingt ans. Après Isabelle Hupert, Sofia Coppola, Bob Wilson et Hedi Sliman, c’est donc au tour de l’excentrique designer d’organiser un accrochage des images de Mapplethorpe, en choisissant quelles photos accrocher et en dessinant la scénographie de l’exposition.

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© Robert Mapplethorpe

Sexualité et corps antiques

Et c’est précisément sur cette étape de sa carrière que la galerie Thaddaeus Ropac a décidé de se centrer. Car c’est bien la puissance érotique qui a fait la réputation de Mapplethorpe, sa quête effrénée de la perfection esthétique décelable dans tous les sujets y compris ceux que l’on a tendance à taire, comme la sexualité. Travaillant à une époque où les États-Unis se montraient encore particulièrement pudibonds en matière d’érotisme, Mapplethorpe a dû (à de nombreuses reprises) essuyer les foudres de groupuscules extrémistes et religieux qui voyaient dans son travail de la simple pornographie. Mais les choses ont-elles réellement changé ?

Si la galerie Thaddaeus Ropac a fait le choix de cet angle pour son accrochage, c’est peut-être bien justement pour critiquer cette tendance à cacher ces attributs que l’on ne saurait voir. Dans un choix radical de dix-sept polaroïds et soixante photographies, la galerie d’art contemporain sait qu’elle va choquer ses visiteurs par des images souvent très crues (les accessoires de bondage et autres sexes masculins en érection sont légion !), mais qu’elle refuse de juger à l’aune de ce qu’elles représentent simplement.

À une époque où la sexualisation des corps est partout, qu’un simple clic sur internet permet d’accéder à d’indénombrables films pour adultes, Thaddaeus Ropac brocarde le paradoxe évident d’une société qui continue pourtant de se sentir mal à l’aise face à un tableau comme L’origine du monde ou qui place en garde à vue une activiste qui se dénude en référence à un tableau célèbre.

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© Robert Mapplethorpe

Photographie et sculpture

Il faut donc savoir dépasser le nu artistique et le choc premier que peuvent représenter ces sujets peu communs. Car un regard attentif ne peut qu’être bluffé par des compositions structurées au millimètre près, à des effets de lumière absolument sensationnels qui viennent souligner avec maestria les muscles, torses et épidermes huilés à la manière de lutteurs de la Grèce antique. Mapplethorpe d’ailleurs, se revendiquait souvent de cette esthétique gréco-romaine qui sublimait le corps masculin à l’extrême ; il souhaitait sincèrement un recours à cette plastique qu’il affectionnait tant.

Fasciné par le sculpteur Michel-Ange, Mapplethorpe sculpte avec la lumière et l’ombre ces corps de Tyrannoctones . En demandant à ses modèles de prendre des poses exigeantes, propres à faire saillir la musculature, il démontre son grand talent à souligner ce qu’il faut, ou il faut, dans un noir et blanc encore plus intense que la plus vive des couleurs.

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