Article proposé par Exponaute

La prison de Réau accueille “Les Misérables”, une expo organisée par les détenus

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Thématique indéfectible de l’œuvre  Les Misérables  de Victor Hugo, la rédemption est aujourd’hui au cœur d’un accrochage situé en un lieu tenu en marge de la société : une prison. La maison d’arrêt de Réau (77) pour être plus précis. Le lieu d’exposition est la prison, les commissaires d’un jour sont les prisonniers. Premier volet de notre visite d’un événement culturel pas comme les autres…
Hugo, La Conscience devant une mauvaise action © Maison de Victor Hugo

Victor Hugo, La Conscience devant une mauvaise action © Maisons de Victor Hugo

Si l’exposition « Les Misérables » organisée à la Maison d’Arrêt de Réau ne sortira jamais des murs qui l’ont vue naître, l’idée est cependant originale et intéressante : face à un public dit « empêché » (en détention, afin de sortir du jargon carcéral), il s’agit de faire venir à eux la culture et la découverte.

C’est toute l’intention, mais aussi le défi, de ce surprenant accrochage dédié à l’œuvre romanesque la plus remarquable, la plus emblématique du génie universel Hugo : Les Misérables, qui sera seulement visitée par les détenus et les employés du milieu pénitentiaire. Beaucoup pourraient alors se questionner : pourquoi traiter d’un événement que le grand public ne pourra jamais découvrir ? Car l’initiative, atypique et innovante, est loin d’être vaine.

cosette

Gustave Brion, Cosette © Maisons de Victor Hugo

Car à une époque où le monde de la culture peine encore à se démocratiser et à attirer à lui le plus vaste public possible, il peut être pertinent d’évoquer ce type d’initiative inédite. Celle-ci en effet s’offre à un public dont la découverte de la sphère muséale et culturelle représente souvent la dernière des priorités face à un univers pénitentiaire clos, cadenassé au sens propre comme au figuré et où la question de l’après se pose, sans cesse, obsédante.

Cet après, justement, parlons-en. Si l’on doit mettre ici en exergue un talent de Victor Hugo, c’est bien sa capacité à avoir imaginé une galerie de personnages universels, aux soucis et aux combats qui entrent en résonance avec toutes les époques ; et qui sont justement passés à la postérité grâce à ces atouts.

Le forçat récidiviste Jean Valjean, en qui couve une haine féroce envers la société peu après sa sortie de bagne en début de roman, optera pourtant pour la voie du rachat et des actions nobles pour tenter de gommer ses méfaits du passé. Mais si l’on sort bien du bagne/centre de détention, est-on cependant redevenu un citoyen normal aux yeux de la société du XIXe/XXIe siècle ?

Gustave Brion, Jean Valjean © Maisons de Victor Hugo

Gustave Brion, Jean Valjean © Maisons de Victor Hugo

Aujourd’hui, que fait notre temps pour œuvrer à une réinsertion réussie des détenus d’hier ? Les prisonniers ont-ils seulement envie de se rétablir dans la société après avoir purgé leur peine dans des conditions difficiles ?

En cela, le choix du roman Les Misérables est un thème excessivement pertinent. À l’image de Valjean qui fait le choix de l’éducation et de la protection de l’enfance comme cheminement vers la paix, les neuf prisonniers de Réau ont opté pour la médiation culturelle en montant de toute pièce un accrochage dédié à un ouvrage qu’ils avaient tous abordé au collège, mais dont, de leur propre aveu, ils ne saisissent vraiment qu’aujourd’hui toute la portée : profondément humaniste et porteuse d’espoir, envers et contre tout.

Edmond Bacot, Cosette avec un seau © Maisons de Victor Hugo

Edmond Bacot, Cosette avec un seau © Maisons de Victor Hugo

Les combats de Victor Hugo pour le droit à une seconde chance sont toujours d’actualité, et peuvent trouver écho dans les esprits de notre époque. Si de notre temps, le terme misérable renvoie à une situation de dénuement et de pauvreté, dans le verbe de Victor Hugo, il représente le réprouvé, le repris de justice.

D’un engagement politique fort, presque viscéral lorsqu’il s’agit de défendre les plus défavorisés et les laissés-pour-compte (dans son testament, il écrivit « Je donne cinquante mille francs aux pauvres. Je désire être porté au cimetière dans leur corbillard. »), Hugo ne pouvait que s’emparer des questions de ce qui amène un individu à enfreindre la loi. Et en toute logique, devait-il traiter également du sujet de la rédemption après avoir commis et purgé une faute. Car tout être humain, s’il a été capable du pire peut inversement s’illustrer dans le bien, comme Jean Valjean par ses actions de maire de la petite ville de Montreuil-sur-Mer.

Les détenus de la prison de Réau, devenus commissaires d’exposition ont à leur tour, souhaité opérer un premier pas vers autre chose que leur univers carcéral trop étroit, et en s’imprégnant de l’œuvre de l’écrivain du XIXe siècle, certains ont découvert une histoire riche et inspirante pour le futur, tandis que d’autres se sont mis à rêver d’un métier touchant à la culture, une fois au-dehors des bagnes modernes.

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