Article proposé par Exponaute
Titanesque, monstrueux, monumental : face aux nouveaux projets de Christo, les adjectifs s’épuisent. Alors que la justice vient de lui permettre de recouvrir un pan de 60 kilomètres de la rivière Arkansas (après 23 ans de bataille et de procès en tous genres), l’artiste emballé par l’emballage se concentre sur un autre projet toujours aussi mégalo et, pour la première fois, permanent : un monument de 150 mètres de haut constitué de barils de pétrole multicolores. Situé là où il y a de la place et de l’ambition (au beau milieu du désert à Abu Dhabi), le monument sera ce que l’artiste appelle « la plus grande sculpture du monde » : une mosaïque colorée composée de quelques 410 000 barils de pétrole qui restera, une fois n’est pas coutume, après son installation.
Pour ce qui est de la forme, le monument sera inspiré d’un édifice funéraire à l’air libre de l’Egypte antique qui servait de sépulture au pharaons. Si les mastabas sont généralement de beaux édifices, jamais ils n’auront atteint la taille et le volume de ce mastaba-là qui s’annonce, paradoxalement et plus que jamais, pharaonique. Pharaonique au point de surpasser les pharaons. Heureux hasard ou surenchère dans la bataille des monuments orientaux, le mastaba des Emirats sera plus haut que la plus haute des pyramides d’Egypte (146,8 mètres contre 150) et plus large, si bien que le premier pourrait contenir la seconde sans qu’on s’en aperçoive. Dans un désert des plus déserts, on ne devrait donc voir que lui, ce monument funéraire installé dans une région devenue symbole de l’extravagance architecturale qui ne rendra hommage à personne, si ce n’est peut-être à son créateur lui-même.
A 80 ans, Christo décide enfin qu’une de ses œuvres (Christo et Jeanne-Claude ont toujours passé de nombreuses années à la conception et la réalisation d’un projet) sera permanente. Terminées les dépenses folles (réglées systématiquement par la vente des dessins et maquettes préparatoires des œuvres) et les travaux contraignants qui s’étendent parfois sur plusieurs années pour un résultat éphémère, dont l’existence se réduit à quelques jours. Cette fois, Christo restera (et avec lui Jeanne-Claude disparue en 2009), imposant, monumental, à travers un édifice funéraire qui lui survivra.
Mais attention, l’idée n’est, comme d’habitude, pas toute neuve : les premiers plans datent de 1977 et le couple fait son premier voyage sur place (pour trouver le bon espace) au début des années 80. A la disparition de Jeanne-Claude, Christo, qui aurait pu s’arrêter, a voulu à tenir une promesse vieille de plusieurs années : si l’un disparaît, l’autre continuera et réalisera les projets en cours. Parmi ces projets, le mastaba, donc, sera le dernier (il y en avait trois, l’un en Italie installé pendant l’été prochain et celui de la rivière Arkansas), l’un des plus impressionnants (le Reichstag vous dira peut-être le contraire) et, surtout, celui qui restera.
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