Article proposé par Exponaute

Ai Weiwei ou l’art de la résistance : retour sur 10 œuvres emblématiques

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Figure incontournable de la scène artistique indépendante chinoise, Ai Weiwei multiplie les casquettes de photographe, architecte, sculpteur et commissaire d’exposition. Alors que l’artiste peut enfin quitter la Chine, la Royal Academy of Arts de Londres lui consacre une rétrospective qui fait événement. Exponaute revient sur le parcours de cet artiste subversif, mouche du coche du gouvernement chinois, en dix œuvres phares.
Etude de perspective – Tian'anmen, 1995-2003, tirage n&b. (AI WEIWEI)

Study of perspective, Ai Weiwei, 1995 © Ai Weiwei

1 : Étude de perspective, de 1995 à 2003

C’est probablement la série la plus connue de l’artiste chinois.  Sous un titre ironique, ce travail est commencé par Ai Weiwei directement sur la place Tian’amen. Sur aucun cliché on ne voit l’artiste ; seulement son bras, adressant un ferme doigt d’honneur à de nombreux bâtiments emblématiques à travers le monde, tous choisis pour leur incarnation du pouvoir ou de la culture. Par ce geste mi-grossier mi-comique, Ai Weiwei dit son rejet des icônes et des valeurs établies.

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Han Dynasty Urn with Coca-Cola Logo paint, Ai Weiwei, 1994 © Ai Weiwei

2 : Vase de la dynastie Han avec un logo Coca-Cola, 1994

À de nombreuses reprises, Ai Weiwei dira son mépris des conventions et des valeurs données arbitrairement aux choses. C’est dans ce sens qu’il n’hésite pas à apposer une marque typique du capitalisme américain sur une antiquité à la valeur historique et financière inestimable. En mêlant ces deux univers que tout oppose, l’artiste chinois fait de cette urne millénaire un banal objet de consommation, américanisé, vidé de sa substantifique moelle.

Laisser tomber une urne de la dynastie des Han, 1995, triptyque, tirages n&b. (AI WEIWEI)

Dropping a Han-Dynasty Urn, Ai Weiwei, 1995 © Ai Weiwei

3 : Laisser tomber une urne de la dynastie Han, 1995

Le geste est fort, iconoclaste. L’air insolent, l’artiste se met en scène dans un triptyque de photographies en train de laisser négligemment s’écraser au sol un vase vieux de deux millénaires. Sacrilège, Ai Weiwei ? Plutôt épris de liberté. En lâchant avec dédain cette antiquité venue d’une prestigieuse dynastie de l’histoire chinoise, il laisse entendre qu’il se libère de son passé, qui pourrait être une entrave à sa créativité et à sa farouche indépendance.

ai wei wei table and pillar

Table and pillar, Ai Weiwei, 2002 © Ai Weiwei

4 : Table et pilier, 2002

Difficile de mettre un nom sur ces différents artefacts étroitement mêlés par les mains de l’artiste. Afin de saisir toute l’intensité de cette étrange sculpture, il faut savoir qu’elle a été conçue à partir de mobilier et de colonnes qui se trouvaient dans un temple datant de la dynastie Qing (1644–1911), qui fut démoli par les autorités chinoises.  En récupérant ces ruines pour leur donner une seconde vie, le dissident chinois défie son pays en conservant des traces de ce passé qu’on veut faire disparaître.

Paysages provisoires 2002-2008, tirage couleur. (AI WEIWEI)

Provisional Landscapes, Ai Weiwei, 2002 © Ai Weiwei

5 : Paysages provisoires, 2002–2008

Cette nouvelle série de photographies attaque encore davantage de front le gouvernement chinois. Ai Weiwei immortalise, de prime abord, de simples chantiers de construction. Cependant, derrière ces images se cache la violente détermination du pouvoir en place dans l’Empire du Milieu. Selon le droit chinois, les autorités sont en effet propriétaires de tous les sols du pays, ce qui implique que Pékin peut décider à tout moment de raser des bâtiments, et ce sans consulter les habitants qui sont installés dessus. Expropriations et expulsions sont donc monnaie courante.

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Tremblement de terre au Sichuan, Ai Weiwei, 2008 © Ai Weiwei

6 : Tremblement de terre du Sichuan, 2008–2010

Dans le même d’ordre d’idée, Ai Weiwei persiste et signe dès qu’il s’agit de publier des témoignages gênants de ce qui se passe réellement en Chine. Le 12 mai 2008, un terrible séisme ravage la province du Sichuan. Tandis que le pays tente de minimiser les dégâts et le nombre de victimes, l’artiste se précipite sur place pour photographier le désastre matériel (les bâtiments avaient été construits sans respect des normes de sécurité) et humanitaire. Cette provocation lui vaut d’être passé à tabac par les autorités en 2009.

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Cong, Ai Weiwei, 2008,© Galerie Urs Meile Lucerne

7 : Cong, 2008–2011

Bien qu’étroitement surveillé par les autorités chinoises, Ai Weiwei continue son travail d’éveil des consciences sur le tremblement de terre de 2008. C’est ainsi qu’il entreprend la création d’une liste de noms de personnes décédées lors du drame, et décide d’en sélectionner 123 (principalement des écoliers), afin de l’intégrer dans une œuvre faite de bois, de verre et de plâtre. Il pérennise ainsi ces disparus, et fait sortir de l’anonymat ceux qu’on nomme « les victimes ».

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Dust to dust, Ai Weiwei, 2008 © ProWinko Collection

8 : De la poussière à la poussière, 2008

Toujours prompt à choquer et à coupler les contraires, Ai Weiwei crée cette étrange sculpture en 2008. Composée d’une armoire ornée de bocaux de la marque d’ameublement Ikea, ces urnes de verre contiennent les restes et poussières de poteries datant de la période du néolithique, détruites car jugées de peu d’intérêt.  Étrange et moderne châsse pour les vestiges du passé.

Ai Weiwei's Sunflower Seeds, Tate Modern photo by Mike Peel

Sunflower seeds, Ai Weiwei, 2011 © Mike Peel

9 : Graines de tournesol, 2011

Mer grise symbolisant l’humanité, Ai Weiwei a répandu sur le sol de la Tate Modern de Londres des millions de graines de tournesol en porcelaine, et peintes à la main par des artisans en Chine. Il a ensuite invité les visiteurs du musée à marcher sur ces graines, à s’allonger dessus… en somme, à les détruire. Le dissident asiatique cristallise ainsi son pessimisme vis-à-vis des sociétés contemporaines, et l’aliénation par un travail somme toute futile.

« Souvenir from Shanghai » von Ai Weiwei. Foto: Kay Nietfeld

Souvenir to Shanghai, Ai Weiwei, 2012 © Kay Nietfeld

10 : Souvenir de Shanghai, 2012 

Des parpaings, des tuiles et des morceaux de pierre encadrent et emplissent une belle armoire en bois aux détails travaillés. Cet amoncellement étrange est en réalité tout ce qu’il reste de l’atelier de Shanghai de l’artiste, après que celui-ci fut détruit en un jour et une nuit par les autorités chinoises, en janvier 2011. Une manière pour le pouvoir de chercher à faire taire le créateur en le terrorisant. En réponse, Ai Weiwei crée, encore et toujours.

 

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