Article proposé par Exponaute

Le Musée Bourdelle discrètement magnifié

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Publié le , mis à jour le
Fraîchement rénové, le Musée Antoine Bourdelle, situé dans les anciens ateliers du sculpteur français, rouvre au public sous un soleil printanier. Visite des lieux en compagnie de sa directrice Amélie Simier, du jardin en fleurs à la captivante exposition sur le

« Mannequin d’artiste  ».

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La cour du musée et la façade (rénovée en 2014/15) de l’ancien atelier de peinture d’Antoine Bourdelle © Exponaute

Le musée a été fermé pendant huit mois. En quoi les travaux ont-ils consisté ? 

Le gros chantier qui vient de s’achever a permis la rénovation totale de l’électricité du musée (le très bel éclairage du jardin par exemple, et du Hall des plâtres monumentaux) et la mise aux normes d’accessibilité aux personnes à mobilité réduite. Le pavillon du gardien, situé à l’entrée, a été transformé en pc de sécurité. Ce qui nous a permis de libérer tout l’espace de la galerie où il se trouvait auparavant. Nous avons également consolidé la façade en brique et bois des anciens ateliers de sculpture (datant de 1885) et réaccroché l’atelier de peinture d’Antoine Bourdelle.

Les changements ne sont pas toujours visibles. Nos visiteurs fidèles ont l’impression qu’il s’agit du même musée mais en plus beau ! Le but était de rendre cohérent cet ensemble très disparate d’un point de vue architectural, constitué de batiments datant de 1880 (ateliers et pavillon), de constructions rajoutées au moment de l’ouverture du musée en 1950 (galeries de circulation et terrasse), et de l’extension contemporaine de Christian de Portzamparc de 1992 qui accueille les expositions, les réserves, l’accueil et les bureaux.

Il ne s’agit pas encore d’une rénovation totale. On avance pas à pas, ce qui n’est pas une mauvaise chose. Chacune des solutions esthétiques retenues demandent un temps important de réflexion et de dialogue avec le maître d’œuvre et le maître d’ouvrage. Rappelons que le musée n’est pas classé, donc les recherches concernant les bâtiments incombent à la conservation. A cet égard, les cent mètres linéaire d’archives et les 15 000 photographies en notre possession nous sont d’une aide précieuse.

Grand Hall_Mus+®e Bourdelle_ Nouvel +®clairage mars 2015 _(c) G Simier_Documentation Mus+®e Bourdelle

Le Grand Hall des plâtres avec son nouvel éclairage prenant en compte les ombres portées des sculptures. Un ascenseur permet désormais d’y  accéder. Courtesy Musée Bourdelle.

Dans quel esprit l’atelier de peinture d’Antoine Bourdelle a-t-il été réaménagé ? 

Antoine Bourdelle s’est installé dans cette cité d’artistes en 1885. Il a d’abord habité dans l’actuel pc de sécurité, et a loué jusqu’à huit ateliers. L’atelier de peinture lui servait à recevoir ses hôtes pour leur montrer ses œuvres. Il y dessinait (tous les jours), y peignait et y tenait son courrier (car l’atelier de sculpture était trop salissant). C’est dans cet esprit original qu’a été pensée la restauration. On y retrouve son secrétaire à battant dans lequel il rangeait ses lettres, son meuble à pastels, une armoire ancienne avec sa collection d’antiques (pas tous authentiques d’ailleurs !). Nous avons fait le choix d’accrocher de petites peintures évoquant sa vie quotidienne : une vue de l’atelier, les portraits des femmes aimées (son premier amour Marie Laprade et sa seconde épouse Cléopatre Sévastos), des sculptures de ses enfants, quelques toiles d’un peintre clochard dont il achetait régulièrement les œuvres. Nous souhaitions en faire un lieu d’immersion et d’expérience. Un fauteuil invite le visiteur à s’asseoir et à lire les feuilles de salle.

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Atelier de peinture d’Antoine Bourdelle, photographie d’archive du Musée Bourdelle  © Roger Viollet

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Atelier de peinture d’Antoine Bourdelle rénové, mars 2015 © B. Fougeirol

La restauration concerne t-elle également les extérieurs  (jardin et cour) ?

On a repris le pavage de l’allée charretière, qui était bombé pour permettre l’évacuation de l’eau donc difficilement accessible pour les personnes à mobilité réduite. On a remonté les pavés existants en cherchant la face la plus lisse, et refait à la main les trottoirs dans leur ciment et quadrillages originels. Le jardin a été planté en 2013. On l’a traité en gravier, maintenant son côté fouillis, romantique. Notre jardinier en chef, Jérôme Godeau, est aussi conservateur et co-commissaire de l’exposition « Mannequin d’artiste » !

Quelle est la fréquentation du musée ? Espérez-vous attirer de nouveaux visiteurs à l’occasion de cette rénovation ?

Le musée reçoit environ 60 000 visiteurs par an. Parmi eux beaucoup de fidèles qui viennent dessiner le jeudi et le vendredi par exemple. C’est évidemment très important que de nouveaux publics nous découvrent, c’est pourquoi nous avons adossé la réouverture à cette grande exposition sur le « Mannequin d’artiste ». Mais je pense qu’il faut réussir à maintenir cette atmosphère familiale et intime. Le musée a la taille d’une maison. Il est possible de se retrouver seul dans le jardin, de s’offrir des tête-à-tête avec les œuvres, d’échanger avec les gardiens (dont certains ont été engagés du vivant de la fille de Bourdelle). Je veux que les visiteurs se perdent.

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Nouveau cheminement vers le jardin, mars 2015 © G. Simier

L’exposition « Mannequin d’artiste, mannequin fétiche » est directement liée à la pratique d’atelier (l’un des axes de votre programmation).  Pouvez-vous nous en parler? 

L’exposition est dédiée à cette curieuse invention qu’est le mannequin d’artiste, une pratique documentée au moins depuis le 16ème siècle mais restée jusqu’ici relativement confidentielle. On trouve des mannequins de petites tailles, utilisés pour poser la composition, et des mannequins grandeur nature, destinés à étudier les effets de plissés du vêtement. Ce projet nous a été amené par la commissaire anglaise Jane Munro. Elle a travaillé six ans en quête de ces objets singuliers provenant de collections très disparates : écoles de dessin et/ou cabinets de curiosité en mains privées. Peu ont été conservés. Notre mannequin phare vient de l’Académie de Carrare à Bergame, en Italie, il était destiné aux étudiants. Le mannequin est un outil de l’atelier parmi d’autres mais celui-là est exceptionnel avec ses doigts de pied articulés et son visage manifestement taillé par un sculpteur néo-classique. L’exposition a pour but de faire sortir de l’ombre ces objets extraordinaires.

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On sait que le peintre Thomas Gainsborough (18ème siècle) utilisait des mannequins. Les postures empruntées de la toile Heneage Lloyd et sa sœur Lucy (© Pierre Antoine)  en témoignent.

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Anonyme, Mannequin néoclassique, vers 1810, bois et articulations de métal, tête et corps peints à l’huile © Comune di Bergamo – Accademia Carrara.

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