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UNTIL then, une galerie nouvelle génération débarque à Saint-Ouen

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Un bon nettoyage et quelques cimaises élégamment surlignées de néons ont suffi pour transformer ce hall sous verrière de la rue des Rosiers en un espace d’exposition de 500 m2 au voisinage idéal (entre Habitat Vintage et le très branché concept store l’Eclaireur). Inaugurée samedi 28 février avec un duo show de Jonathan Monk et Rodney Graham, la nouvelle galerie de l’ex bras droit d’Yvon Lambert, Olivier Bélot, ouvre les puces de Saint-Ouen à l’art contemporain. Présentation du projet par deux de ces trois directeurs associés: Mélanie Meffrer Rondeau et Alexa Brossard.

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L’espace de la galerie UNTIL then, avant le montage des cimaises. Crédit photo : Frédéric Gresse.

A quand remonte la décision de vous associer avec Olivier Belot? Est-ce qu’il a été question de prendre la suite d’Yvon Lambert ?

C’est en mai dernier, suite à l’annonce de la fermeture de la galerie Yvon Lambert, que nous avons pris la décision d’ouvrir un nouveau lieu. L’initiative vient d’Olivier Bélot. Nous collaborions depuis des années chez Yvon Lambert, notre association apparaissait comme naturelle.

Il n’a jamais été question de reprendre la galerie Yvon Lambert. Continuer l’histoire d’Yvon sans Yvon semblait inconcevable. La galerie est trop incarnée, trop habitée par son fondateur pour qu’elle puisse changer de mains. Yvon Lambert n’est pas une marque. En revanche, nous héritons d’un certain état esprit, que nous assumons totalement.

Pourquoi Saint-Ouen ?

Pour faire un pas de côté. Nous souhaitions une localisation décentrée, un peu décalée par rapport à ce que l’on a pu connaître jusqu’ici, dans nos expériences passées (chez Yvon Lambert mais aussi chez Marian Goodman ou Chantal Crousel). Les puces de Saint-Ouen sont déjà fréquentées par les collectionneurs et les artistes habitués du Marais. Mais en changeant de territoire, nous espérons toucher un nouveau public, curieux et prêt à s’intéresser à l’art contemporain. Par ailleurs, depuis quelques temps, les puces connaissent une diversification de leur activité avec des initiatives hôtelières [Le MOB ouvert en 2016, ndlr] et de restauration [Ma cocotte, designé par Philippe Starck, ndlr], et la proximité de lieux d’art comme Mains d’oeuvres. Nous voulions nous inscrire dans ce renouveau.

On cherchait également un certain type d’espace, avec un volume conséquent – en hauteur notamment, car le travail de nos artistes l’exigeait – et on a eu le coup de foudre pour ce lieu. L’intervention a été minimale, d’autant que nous sommes sur un bail précaire (comme tous nos voisins aux puces). La nature industrielle du bâtiment, son aspect brut, ont été volontairement conservés.

Quelle sera la personnalité de la galerie ?

Il n’y avait aucun intérêt pour nous de monter un projet institutionnel, d’ouvrir un énième white cube. Les façons de travailler ont changé. La question du « comment faire le métier de galeriste aujourd’hui? » a été notre fil directeur. L’artiste n’a plus les mêmes besoins qu’auparavant ; nous ne pouvons pas nous contenter d’être seulement des marchands ni des simples exposants. On désire s’adapter à ce que la galerie est en train de devenir, s’adapter à chaque collectionneur et à chaque artiste. Penser avec lui sa stratégie et la promotion de son travail.

C’est pour cette raison que la galerie ne sera ouverte au public que les week-ends. Afin de dégager du temps pour voyager, rencontrer les collectionneurs, et accompagner au plus près les artistes. La semaine sera consacrée à ces activités et les samedis et dimanches à l’accueil du public; nous « ferons salon ». Avec des horaires fixes, ce n’est pas toujours évident de mener de front ces deux missions constitutives du métier de galeriste (d’autant que la fréquentation en galerie est très irrégulière). Nous recherchons de la flexibilité dans le lieu autant que dans son fonctionnement.

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L’entrée de la galerie, à quelques jours de son inauguration du 28 février 2015. DR.

La galerie s’appelle Until then. Vous n’avez pas souhaité y associer vos noms ?

Il s’agit d’abord d’un clin d’oeil à l’un de nos artistes Jonathan Monk, qui signe tous ces mails par Until then ! Et puis: Belot/Meffrer-Rondeau/Brossard ne donnait pas grand chose ! Mais surtout une telle signature aurait été à l’encontre du projet de la galerie que nous souhaitons collaboratif, recentré sur les artistes et leur travail. L’idée de quelque chose en devenir, en train de se construire et qui va devoir constamment s’adapter aux nouvelles façons de travailler.

Qui sont vos artistes ?

Sur les quarante artistes avec qui Yvon Lambert travaillait, nous en avons sélectionné sept [Douglas Gordon, David Claerbout, Jonathan Monk, Robert Barry, Diogo Pimentao, Joan Jonas et Rodney Graham, ndlr] et tous ont accepté de nous rejoindre. Il fallait des artistes prêts à monter dans un bateau au démarrage et à s’associer avec une structure expérimentale. Lawrence Weiner, par exemple, se trouve à un moment de sa carrière qui exige une représentation plus institutionnelle, mais cela n’exclue pas des collaborations ponctuelles. Au contraire.

Quelle va être votre stratégie de programmation ? Des foires sont-elles déjà prévues ?

Nous avons choisi une cadence d’expositions modérée. Il y en aura quatre à cinq par an et non toutes les quatre à cinq semaines. Cela nous laissera le temps de bien les préparer, d’en faire la promotion, et au public aussi d’en profiter.

La prochaine exposition présentera un état des lieux du travail d’Evariste Richer (finaliste du Prix Duchamp 2014, ndlr), avec de nouvelles pièces. C’est capital pour nous de faire des productions à chaque projet. Pour ce duo show inaugural, la grande majorité des pièces de Jonathan Monk et Rodney Graham ont été produites. La galerie est un lieu d’expérimentation. Ici, les artistes peuvent tenter des choses, et se permettre de se tromper.

Nous ne voulons pas céder à la frénésie des foires pour ne pas être trop dépendants d’elles financièrement. Nous privilégierons les zones géographiques où notre réseau est bien implanté et mérite d’être nourri, comme Paris ou Sao Paulo au Brésil, par exemple.

Le choix de commencer avec Jonathan Monk et Rodney Graham s’est t-il imposé naturellement ?

L’exposition « Many Hands Make Light Work » s’est construite comme un échange entre ces deux artistes (qui ne s’étaient jamais rencontrés auparavant). Il s’agit d’un vrai projet en commun, et non de solos show juxtaposés. Nous voulions une proposition forte pour l’inauguration de la galerie. Jonathan Monk est l’un des premiers artistes à avoir accepté de nous suivre. C’est un trublion qui intègre le jeu dans son travail, et Rodney nous semblait l’adversaire parfait pour ce ping-pong artistique. Et il se trouve que leurs agendas concordaient, ce qui n’est pas toujours évident !

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Rodney Graham, Der Mantelanzieher, 2015. Courtesy Until then, Saint-Ouen. Oeuvre présentée dans l’exposition « Many Hands Make Light Work ».

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Jonathan Monk, Objet trouvé, 2015, marbre de Carrare. Courtesy Until then, Saint-Ouen. Oeuvre présentée dans l’exposition « Many Hands Make Light Work ».

Comment vous positionnez-vous par rapport aux autres galeries décentralisées, comme Thaddaeus Ropac à Pantin ou Gagosian au Bourget ?

Nous surfons bien évidemment sur cette vague de décentralisation – finalement initiée par les galeries de Belleville. Nos projets sont différents ; ce n’est pas comparable. Mais l’avantage de notre implantation à Saint-Ouen est de nous faire profiter d’un flux existant.

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