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Fernand Léger, ou l’art de la rupture permanente

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Dans le cadre du Voyage à Nantes, le musée des Beaux-Arts présente jusqu’au 22 septembre une sélection d’œuvres de Fernand Léger réalisées entre 1924 et 1946. Une exposition qui nous emmène à la rencontre d’un artiste joueur et lucide à la fois.

Fernand Léger, Composition à la main et aux chapeaux, 1927, Paris, Centre Pompidou, MNAM-CCI © RMN-Grand Palais/Georges Meguerditchian/Adagp, Paris, 2014.

Objet et nature mis en scène

Fernand Léger n’a jamais caché sa fascination pour l’art de la vitrine, âme de « ces jolies mises en scène qui s’appellent les magasins modernes ». Il était donc logique de faire débuter l’exposition par la projection de Ballet mécanique, film expérimental réalisé en 1924 — date également de la parution du célèbre Manifeste du Surréalisme d’André Breton. Dans ce court-métrage d’une vingtaine de minutes au montage syncopé, bien plus que les personnages, ce sont les objets que Léger met en scène. Les fragments de séquences s’enchaînent sans lien apparent, invitant le spectateur à développer sa propre interprétation de l’œuvre.

La force des peintures et dessins de Léger est de métamorphoser des objets du quotidien en les affranchissant des contraintes de leur environnement habituel. C’est en les débarrassant de tout décor superflu, en les libérant du joug de la gravité terrestre, en faisant abstraction de la notion de proportion, que l’artiste arrive à placer les objets au cœur de son œuvre. Décontextualisés, ils deviennent des entités à part entière. L’artiste prend plaisir à combiner ces objets-sujets, donnant naissance à des associations insolites. Ainsi sa Joconde aux clefs où Mona Lisa, surplombée par une boîte de sardine, est placée à côté d’un trousseau de clefs démesuré. Cette œuvre, représentant à la fois la banalisation de l’icône (c’est en voyant la Joconde sur une carte postale que Léger eut l’idée de l’intégrer au tableau) et la place croissante des objets modernes, clôt la série des œuvres figurant des objets épars dans l’espace.

À partir de 1928, la fascination de Léger pour le monde moderne et industriel semble laisser place à un art plus orienté vers les éléments végétaux, minéraux et animaux. À cette période, de nombreux artistes intéressés par les sciences du vivant ont recours à un vocabulaire s’approchant de ce que l’on a qualifié de « biomorphisme » : Dalí, Miró, Moore… Cette tendance, définie comme un langage et non un style artistique, se positionne entre figuration et abstraction ; formes abstraites, associations organiques et rêveries naturelles prennent le pas sur l’univers mécanique qui inspirait Léger dans les années 1920.

Fernand Léger, Adieu New York, 1946, Paris,  Centre Pompidou, MNAM-CCI © RMN-Grand Palais/Jacques Faujour/Adagp, Paris, 2014.

L’exil de l’artiste

Fernand Léger effectue trois voyages aux Etats-Unis dans les années 1930, avant de quitter l’Europe pour New York en octobre 1940. En mars 1942, le galeriste Pierre Matisse (fils du peintre) présente l’exposition Artists in Exile, réunissant de nombreux artistes ayant fui la guerre. Les œuvres de Léger se retrouvent ainsi montrées aux cotés de celles des grands noms du surréalisme : Tanguy, Breton, Mondrian ou encore Chagall répondent à l’appel. Ce dernier séjour américain amènera Léger à pousser plus loin son rapport au réel, comme dans Adieu à New York où couleurs et formes se dissocient, s’entremêlent et s’équilibrent en une habile composition.

Le musée des Beaux-Arts de Nantes, en posant un regard approfondi sur l’œuvre de Léger, nous permet d’associer son art à des domaines que l’on aurait pu, à première vue, croire éloignés, l’exposition formant une sorte de paraphrase de la formule de Lautréamont si chère aux surréalistes : « Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie ».

Retrouvez dans l’Encyclo : Fernand Léger

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