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La mort du bison, ou le destin tragique des Indiens des Plaines

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Publié le , mis à jour le
Le musée du quai Branly rend hommage aux fiers peuples des plaines nord-américaines – Cheyennes, Commanches, Crows, Sioux, Pawnees… – par une exposition d’envergure, et un colloque international, mercredi 18 et jeudi 19 juin. À cette occasion, retour en images sur une figure emblématique du tragique destin amérindien : le bison.

Séquence animée d’un bison galopant photographié par Eadweard Muybridge, 1887 © Waugsberg.

Au début du XVIe siècle, avant l’arrivée des Européens, la population autochtone d’Amérique du Nord était estimée à plus de 7 millions d’individus, tandis que 50 à 70 millions de bisons peuplaient ses plaines. Aujourd’hui, la même aire géographique compte un peu plus de 3 millions d’Amérindiens (sur une population de plus de 350 millions de personnes aux États-Unis et au Canada) et 200 à 300 000 bisons.

Des chiffres terribles qui montrent la stupéfiante cruauté avec laquelle « l’homme blanc » a souhaité, du XVIe au début du XXe siècle, éliminer purement et simplement un peuple entier, niant au passage la richesse de sa culture multiple. Génocide auquel il faut ajouter le massacre systématique de millions de bisons, animal symbole des Amérindiens, mais aussi ressource essentielle dont le sauvetage a été décidé in extremis – en 1890 ne subsistaient que 750 bêtes… Maladies diverses importées par les Européens, guerres et alcoolisme on bien failli avoir raison des Indiens d’Amériques eux-mêmes, certaines ethnies n’ayant pas survécu, comme les Timicuas de Floride ou les Wampanoag de l’actuel Massachusetts.

Des destins croisés auxquels plusieurs objets de l’exposition Indiens des Plaines font écho. Si l’on a l’image de l’Indien chassant le bison à cheval, la pratique est en réalité assez tardive, puisque le cheval n’est introduit en Amérique qu’au XVIIe siècle par les Espagnols. Avant cela, le bovidé, dont la taille peut atteindre deux mètres au garrot et le poids une tonne, est chassé à pied, avec des chiens. Pendant des siècles, les populations troquent le cuir et la viande du bison contre maïs, tabac et produits alimentaires. Il leur procure également les matières premières pour fabriquer tipis, vêtements, outils et armes (notamment les boucliers en cuir dur).

Sacré, le bison est considéré par les Cheyennes comme un parent mythique, dont ils dépendent pour la survie de leur communauté. On le retrouve partout, représenté dans les peintures rupestres ou sur les vêtements de fête – on pense alors que la force du « buffalo » se transmet par la peau de l’animal. Dans les années 1890, alors que le bison est proche de l’extinction et que la population indienne est réduite à 250 000 individus, la danse des Esprits se répand dans les tribus, comme invocation à la survie et au retour du bison.

Les bisons sont au cœur même des conflits qui opposent Indiens et colons. De 1874 à 1878 notamment, les « Américains » (notamment le fameux Buffalo Bill) éliminent la quasi totalité des bisons, emportant les peaux pour laisser pourrir les carcasses sur place. Une forme de politique de la terre brûlée qui oblige à faire sortir les Indiens des réserves où ils sont confinés… et à se faire massacrer.

Affamés, les Indiens fuient au-devant de l’invasion, à la recherche des bisons survivants. Des affrontements ont lieu entre tribus, contribuant à leur propre disparition. « Lorsque le bison est parti, les cœurs de mon peuple sont tombés à terre », affirme Pretty Shield, femme de la tribu crow citée par Colin Galloway dans le catalogue de l’exposition du quai Branly. Aujourd’hui, miracle fragile, la culture indienne survit et le bison revient dans les plaines.

En images

Bonnet, crin de cheval teint en rouge sur le sommet, peau, tressage en piquants de porc-épic, festons ornés de perles, demi-cornes fendues de bison. Provenance : sociétés de guerriers de la région des Grands Lacs au cours supérieur du Missouri. Vers 1780. Paris, musée du quai Branly © Patrick Gries, Bruno Descoings.

Selon Theodore Brasser, « ces coiffes, semble-t-il, faisaient partie des grandes tenues guerrières, de même qu’elles étaient portées au cours des rites annuels précédant la chasse au bison. Elles relèvent d’une tradition ancestrale, aussi le peuple cheyenne continue-t-il de les considérer comme des objets sacrés protecteurs, habités par l’esprit ancestral du bison ».

Effigie de bison, vers 1400–1700, quartzite vert, 16,5 × 22,9 cm © Collection of Glenbow Museum, Calgary, Canada.

Il s’agit « sans doute une pierre à bison, utilisée dans les rituels précédant les chasses au bison » (David Penney).

Peau peinte racontant les exploits d’un chef sioux ou mandan lors de guerres entre Arikara, Sioux et Mandan, peau de bison, piquants de porc-épic, peinture, début XIXe siècle, Paris, musée du quai Branly © Patrick Gries, Valérie Torre.

 

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