Article proposé par Exponaute

Familistère de Guise : le “palais social” de Godin ressuscité

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Imaginé par Jean-Baptiste André Godin au XIXe siècle, le Familistère de Guise fut un véritable palais du peuple. Utopie de l’unité sociale par excellence, il se veut aujourd’hui encore un lieu d’échange entre les hommes. Visite.

Détails de la vue-projet du Familistère parue dans :  Jean-Baptiste André Godin, Solutions sociales, 1871 © collection Familistère de Guise.

Héritier d’une famille d’ouvriers, Jean-Baptiste André Godin (1817–1888) se destinait à devenir serrurier. Parcourant la France pour se perfectionner, il se mit en quête d’un idéal pratique de justice sociale, lisant les écrits de Saint-Simon, Etienne Cabet ou encore Robert Owen mais surtout la philosophie de Charles Fourier (1772–1837). Ce dernier imagina un lieu de vie utopique égalitaire et communautaire, le phalanstère, qui inspira profondément Godin. Devenu un grand industriel, Godin en proposa sa version qu’il nomma Familistère (« Palais des familles ») par analogie avec le phalanstère.

Godin architecte idéaliste de l’unité sociale

Ce « palais social » n’est pas non plus une simple cité ouvrière, comme la proximité entre le palais et l’usine pourrait le suggérer. Il ne repose pas sur le principe de logement individuel accessible à la propriété mais sur celui de l’habitat unitaire et locatif. Ainsi, tous les locataires, du mouleur à Godin en passant par l’institutrice, partagent les mêmes locaux et les mêmes services. Avec l’Association coopérative du capital et du travail créée par Godin en 1880, le Familistère devient ainsi la propriété commune de tous, symbole d’une émancipation collective.

Suivant les idées de Fourier, Godin sait que la réforme sociale ne peut pas se faire sans l’habitation sociale. Ses réflexions le conduisent à devenir un véritable architecte. Il pense entièrement l’architecture de son palais où sont logés les ouvriers de son usine d’appareils en fonte. Voulant créer un habitat moderne à l’opposé du village considéré comme désordonné et insalubre, Godin imagine des systèmes d’aérations, de circulation de l’eau, crée de nombreux espaces libres et lumineux, et met à la disposition de tous des équipements afin de garantir une hygiène complète. Composé de logements meublés dotés de l’eau courante et du chauffage, et d’espaces communs (jardins, théâtre, épicerie, buanderie), le Familistère offre aux ouvriers de l’usine un confort de vie moderne normalement inaccessible pour cette classe sociale modeste.

Godin, dont le buste orne l’appartement de chaque ouvrier, pense à créer une piscine pour apprendre aux enfants à nager mais aussi pour le bien-être des habitants qui peuvent s’y baigner après leur dure journée de travail.  Ainsi, cette architecture harmonieuse procure pour la première fois les équivalents de la richesse aux ouvriers, classe démunie dans la société capitaliste de l’époque.

La cour du pavillon central du Palais social © Familistère de Guise/Georges Fessy, 2010

Le Familistère aujourd’hui : encore et toujours un lieu d’échange

Conservant son esprit d’origine, le Familistère est toujours un lieu habité et fédérateur. Mais il est aussi devenu un musée et un lieu accueillant la création contemporaine – un projet d’hôtel est également en cours. Ce samedi 31 mai, le Familistère de Guise inaugurera son pavillon central (entrée gratuite pour l’occasion) mêlant harmonieusement les habitations aux espaces muséaux, sans toutefois dénaturer l’organisation originelle.

Ainsi, l’épicerie devient le « Magasin de projections » où les visiteurs peuvent visionner des documentaires ou assister à des débats. Les « Scènes d’intérieurs », appartements redécorés comme autrefois et les « Paroles du Familistère », témoignages des habitants, permettent de comprendre la vie des locataires au temps de Godin. Tandis que « Le Familistère et ses critiques » et « Les Fabriques de l’utopie » leur donnent un aperçu de la réception de ce projet lors de sa création. Enfin, les salles d’expositions temporaires et « L’appartement expérimental » – qui abrite jusqu’au 15 février 2015 L’Appartement témoin de son temps de l’artiste Joël Ducorroy – laissent place à la création contemporaine, confirmant que ce lieu chargé d’histoire se construit aussi un bel avenir.

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