Article proposé par Exponaute

La Pinacothèque rend à Cléopâtre ce qui appartient à Cléopâtre

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Femme fatale, mais femme soumise, amoureuse naïve, mais fin stratège politique… Qui était vraiment Cléopâtre ? À travers plus de 350 pièces — portraits sculptés, bijoux d’apparat, peintures, costumes et robes emblématiques de films, Le Mythe Cléopâtre à la Pinacothèque de Paris s’attache à rendre à Cléopâtre ce qui appartient à Cléopâtre : son vrai visage. Visite en compagnie de l’un des commissaires de l’exposition, Giovanni Gentili, qui commente une sélection d’œuvres emblématiques.

Les portraits : vision réaliste d’une reine puissante

Portrait de Cléopâtre VII, 2e moitié du 1er siècle av. J.-C., alentours de la Villa des Quintili, Rome, marbre, musées du Vatican © Pinacothèque de Paris.

« Conçu en marbre blanc, le portrait ci-dessus est le plus célèbre de Cléopâtre VII. Il a probablement été réalisé par un des artistes de sa cour lors du voyage de la reine à Rome, en 46 avant Jésus-Christ. Invitée par César, elle s’était installée avec une grande partie de sa cour dans la villa du Trastevere, éloignée du centre de Rome et de tous les regards. Ce déplacement avait créé de vives réactions à Rome. Certains n’appréciaient pas la présence d’une reine possédant un immense et riche royaume, alors que d’autres au contraire l’admiraient. Fascinées par cette femme puissante qui gérait la situation politique, sociale, économique et culturelle de son pays, les femmes romaines commencèrent à l’imiter. Elles se mirent à copier sa coiffure et à porter des bijoux en forme de serpent, typiques de la période alexandrine ».

« Ce portrait n’est pourtant pas significatif de l’esthétique de cette période, puisque Cléopâtre, d’origine grecque et héritière de la dynastie de Ptolémée, est ici représentée comme une reine hellénistique, explique  Giovanni Gentili. Elle porte une coiffure hellénistique caractérisée par un bandeau royal très simple en or, surmonté d’une petite décoration en forme de boule supportant probablement un autre élément décoratif absent aujourd’hui. Caractéristiques que l’on retrouve dans les portraits d’Alexandre le Grand, le fondateur d’Alexandrie », ajoute le commissaire.

 Portrait de Cléopâtre VII, milieu du Ier siècle av. J.-C., musée des antiquités, Turin © DR/Pinacothèque de Paris.

C’est à partir de cette sculpture que les archéologues ont tenté de trouver d’autres représentations de la reine égyptienne. L’exposition s’ouvre d’ailleurs sur la plus récente découverte, un portrait de Cléopâtre VII appartenant au musée des antiquités de Turin. Dans ce portrait, dont le nez est presque entièrement préservé, la coiffure est différente. « Des trous sur le sommet de sa tête prouvent qu’elle portait certainement une couronne royale », affirme Giovanni Gentili.

Cléopâtre, fantasmée jusque dans la mort

Achille Glisenti, La Mort de Cléopâtre, 1878, Museo della Città, Santa Giulia © DR/Pinacothèque de Paris.

Horace, Shakespeare, de nombreux auteurs de bande dessinée ou encore des cinéastes contemporains ont voulu raconter la légendaire reine d’Egypte. Leurs représentations, souvent très éloignées de la réalité historique, ont contribué à créer un véritable mythe.

De la même façon, divers courants picturaux se sont approprié l’histoire de Cléopâtre, en particulier l’épisode de sa mort. Dans ces œuvres, la mort de Cléopâtre est souvent magnifiée, comme l’illustre le tableau du peintre italien Achille Glisenti, La mort de Cléopâtre, dans lequel la souveraine égyptienne est allongée sur son lit de mort, tenant dans sa main le serpent meurtrier.

« Ici, comme dans beaucoup d’autres peintures traitant du même sujet, Cléopâtre est peinte nue, raconte Giovanni Gentili. Symbolisant l’érotisme, elle est, depuis les récits antiques, associée à l’image d’une femme fatale. Réalisé dans les années 1870, en pleine période où l’Egypte faisait l’objet d’une importante fascination, ce tableau présente une image faussée de Cléopâtre. Elle apparaît, ici, comme une reine de l’Egypte des pharaons, période très différente de l’époque ptolémaïque dans laquelle a vécu Cléopâtre VII ».

Une femme de style(s)

Robe de Cléopâtre créée par Philippe Guillotel pour Monica Bellucci dans Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, 2001, collection Ciné Costum’, Romain Leray, Didier Jovenet © DR/Pinacothèque de Paris.

À ces représentations physiques et contextuelles erronées s’ajoute une vision du caractère de Cléopâtre très éloignée de la réalité. « Le cinéma notamment, influencé par la tragédie Antoine et Cléopâtre de Shakespeare, a façonné une image de femme capricieuse, luxurieuse, exclusivement préoccupée par sa beauté et avide de richesse », révèle Giovanni Gentili. La robe longue et dorée de Liz Taylor dans le film de Joseph L. Mankiewicz illustre le goût du luxe supposé de cette reine, tandis que celle, toute en transparence, portée par Monica Bellucci dans Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre semble rendre compte d’une sensualité assumée de la souveraine égyptienne.

Mais il ne faut pas oublier que Cléopâtre fut aussi une femme politique à la tête d’un empire colossal. Si cet aspect a été très peu évoqué au cours des siècles, c’est, affirme Giovanni Gentili, parce que « le rôle politique de la reine n’était pas reconnu dans la Rome antique. Elle a surtout été décrite comme une femme à la beauté singulière jouant de ses charmes pour arriver à ses fins ».

 

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