Article proposé par Exponaute

À vendre sur Internet : objets archéologiques, valeur patrimoniale, bon état

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Une enchère sur eBay crée la polémique, révélée par Rue89 : une fibule en or, provenant probablement  d’une tombe datant de l’Antiquité, a été vendue pour 10 000 euros sur le célèbre site d’enchères. Un acte qui relance le débat sur le pillage du patrimoine français.

Capture d’écran de l’annonce de la fibule en or postée sur eBay © Archeologia.be/DR.

Fin novembre sur le site eBay, un objet curieux attire l’attention des spécialistes : il ressemble à une fibule en or, sorte de broche décorative datant de l’Antiquité. Un objet rare selon certains professionnels, et qui attise très rapidement la curiosité dans le milieu de l’archéologie. Pourtant, les discussions engendrées suite à la vue de cette annonce ne restent qu’à l’état de suppositions, car il est difficile de se prononcer sans avoir l’objet dans les mains. Mais s’il s’agit bien d’un bijou antique, cela signifie, par extension, le pillage d’une tombe et donc la destruction probable d’objets à haute valeur culturelle, ainsi que l’impossibilité pour les chercheurs de dater et de replacer dans son contexte l’objet hors de son lieu d’extraction.

Or, la volonté de faire preuve d’honnêteté en apportant le dit objet au service régional d’archéologie (ce qui est la procédure demandée) peut se révéler être plus problématique qu’il n’y parait. Comme l’explique Rue89, une trouvaille déclarée comme fortuite peut tout de même entrainer des poursuites effrayantes pour le citoyen lambda, car elle implique forcément l’idée d’une prospection : on risque alors la garde à vue, avec la menace de deux ans de prison et 4500 euros d’amende, sanction prévue si vous gardez un objet acquis en violation du Code du patrimoine. De plus, ce code interdit la détection d’objets « pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie », sauf obtention préalable d’une autorisation administrative, délivrée notamment aux archéologues.

Détection « de loisir »

Pourtant, la réalité est tout autre. La détection « de loisir » est tolérée et l’usage d’une « poêle à frire », dénomination vulgaire de l’appareil à détection de métaux, autorisé pour les plombiers, l’armée ou encore les bûcherons, s’étend aujourd’hui aux particuliers. Certains appareillages de plus en plus sophistiqués sont capables de détecter des métaux jusqu’au 80 cm sous terre. À cela s’ajoutent bien évidemment les accessoires parfaits pour jouer au baroudeur d’un jour : tenues de camouflage, piochons, lunettes de vision nocturne et bottes en caoutchouc. Un marché florissant, quadruplant en moins de dix ans. Une soixantaine de vendeurs ont même ouvert des sites sur Internet.

Ce paradoxe ouvre une brèche béante à qui veut revendre ces pièces trouvées lors d’excursions. Même si tous les prospecteurs ne sont pas des pilleurs de tombe, il n’en reste pas moins que la quasi-totalité de ces personnes violent la loi, selon Pierre-Emmanuel Lenfant, archéologue-juriste spécialisé dans le droit du patrimoine culturel : « Même s’ils pratiquent la détection en toute impunité, ils sont dans l’illégalité juridique et morale, du simple fait de sortir le dimanche pour aller faire un tour avec leur détecteur. Car ils n’ont d’autre objectif que de monter une collection de pièces ou autres ».

Malgré des déclarations du ministère de la Culture appelant à durcir la loi, le trafic continue. Sur eBay, 5400 annonces ont été signalées en 2012 par l’Happah (Halte au pillage du patrimoine archéologique et historique) comme issues du pillage. Même si le site de vente affirmait à Rue89 que « la vente d’objets archéologiques est strictement encadrée », la provenance des objets est difficilement vérifiable. De plus, la vente en ligne de ces trouvailles ne représente qu’une partie du trafic. La prospection a sans doute encore de beaux jours devant elle.

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