Article proposé par Exponaute
Ça n’est pas l’image, 1000 fois vue, de l’instant où le président, dans la voiture qui le conduit dans les rues de Dallas, est touché en pleine tête. Andy Warhol, immédiatement après l’événement, choisit de recycler dans sa machine pop, celle de l’épouse, la veuve, la madone éplorée : Jackie Kennedy. Démultipliant son image à partir de photos de presse, comme il le fait pour ses Marilyn, l’artiste la fait accéder au statut d’icône, et donne ainsi un visage à tous ceux que cette tragédie endeuille. Ce qui intéresse ici Warhol n’est pas l’événement lui-même, mais le traitement que lui réservent les médias, et la manière dont ceux-ci semblent vouloir « nous programmer à être tristes, déclare-t-il avec ironie. Comme si on ne pouvait rien faire pour y échapper ».
Cette toile serait la seule œuvre contemporaine reprenant explicitement l’image de l’assassinat de JFK, telle qu’elle fut filmée par l’amateur Abraham Zapruder. Elle est réalisée dans les quelques semaines suivant le 22 novembre par l’artiste britannique Gerald Laing. On y voit, sur un fond vert, la Lincoln noire et ses passagers accidentés, dans un style très Pop Art : trames d’impression à la Lichtenstein, couleurs vives, voiture sortant du cadre… L’œuvre, que son galeriste new-yorkais a refusé de montrer pendant plus de trente ans, est aujourd’hui exposée à la Tate Britain, ce qui n’est pas sans provoquer la controverse.
C’est également à la figure de Jackie Kennedy que s’intéresse l’artiste Tina Mion dans une œuvre plus récente, conservée à la très officielle National Portrait Gallery de Washington. On y voit la First Lady dans la tenue rose qu’elle portait le 22 novembre 1963, tenant une carte à jouer marquée d’un roi de cœur aux traits de JFK, et fendue en deux par une balle de revolver. Assez littérale, l’œuvre reprend l’esthétique pop en y ajoutant une dimension angoissante un brin naïve.
Jackie, encore, chez l’artiste brésilien Vik Muniz. À croire que l’image du drame, celle qui reste la plus assimilable, est celle de la veuve de JFK, témoin directe de l’assassinat, au fameux tailleur rose bonbon maculé par les éclats de cervelle de son mari. Comment reprendre, en effet, la littérale défiguration d’un homme, dont le mythe a été depuis terni, mais qui à l’époque représentait l’élan de jeunesse d’une Amérique invincible ? Cette image-là n’a pu être « avalée » par les spectateurs des médias, comme par les artistes. En hommage à Warhol, Muniz représente ici l’autre victime de l’événement, celle qui survit et à laquelle chacun peut s’identifier. Mais il la figure en employant des matériaux tantôt nobles et précieux (diamants), tantôt organiques et comestibles (ketchup, chocolat), signifiant par là-même l’absorption de l’icône, voire sa dissolution définitive.
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