Article proposé par Exponaute

Le bouchon de radiateur automobile, objet emblématique de l’Art Déco

Par

Publié le , mis à jour le
1925 : la Cité de l’Architecture et du Patrimoine opère une coupe franche dans le temps pour livrer en une luxueuse exposition la coupe stratigraphique d’une année majeure dans l’histoire de l’art français. Les objets rassemblés ici illustrent en effet un moment unique d’émergence d’un style international, l’Art Déco, qui est aussi celui où la France, en tant que leader du monde culturel, lança ses derniers feux. Éléments de preuves avec une collection insolite de bouchons de radiateur automobile présentée dans l’expo.

Bouchons de radiateur automobile, collection particulière.

C’est l’un des clous de l’exposition de la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, qui d’une pierre deux coups résume parfaitement son propos. La collection anonyme de bouchons de radiateur automobile, dits aussi « mascottes », — un brin plus chics que les vulgaires étoiles à trois pointes Mercedes que l’on s’amusait à dérober adolescents — est le reflet d’une époque qui porta l’invention du style dans tous les domaines. À la fois marque d’une foi indéfectible dans le progrès (tant qu’il a du style), reflet des nouvelles définitions esthétiques (avec notamment l’obsession pour le corps féminin, l’influence de l’art africain revu à la sauce colonialiste, ou encore l’importance de la ligne droite) et démonstration de richesse, le bouchon de radiateur qui orne les Bugatti, Torpedo et autres Rolls-Royce est l’emblème des Années folles.

Petits bijoux de sculpture, dont le prix peut atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros aux enchères, ces mascottes aux lignes nettes, placées au sommet du radiateur automobile, marquent l’avant des voitures comme une proue de navire, ponctuant la ligne nette adoptée par les véhicules de plus en plus fuselés dessinés par les constructeurs. C’est alors le triomphe de la vitesse, dans le domaine de l’automobile et de l’aviation, comme dans les arts et le cinéma : Francis Picabia file à tombeau ouvert sur les routes au volant de l’une de ses 150 voitures, associant l’ivresse de la vitesse à une véritable performance artistique, quand Charlie Chaplin ou Laurel et Hardy font de l’automobile un accessoire comique.

L’inspiration qui guide la réalisation des bouchons est, dans de nombreux cas, typiquement Art Déco par le style : lignes droites, formes synthétisées, épurées, cubistes, qui associent parfaitement le corps et la machine (on songe au Cheval majeur de Duchamp-Villon, daté de 1914), association de l’art et du luxe, combinaison de matériaux précieux. Beaucoup adoptent une forme aérodynamique, comme ces figures ailées jetées en avant (ainsi la fameuse Spirit of Ecstasy des Rolls-Royce, largement inspirée de la Victoire de Samothrace), ces bustes de femme africaine, menton et poitrine en avant, haute coiffe jetée vers l’arrière, ou ces félins bondissant (lion de Peugeot ou jaguar de la marque éponyme). Les plus fantaisistes, encore largement inspirés de l’esthétique Art Nouveau, montrent des jeunes femmes dansant, dans une ligne sinueuse à la Loïe Fuller. D’autres sont des portraits des célébrités de l’époque (Suzanne Lenglen, Mistinguett, le Kid de Charlie Chaplin).

La femme est omniprésente : alors que la mode de la « garçonne » redéfinit la silhouette féminine, les associations femme-voiture et sexe-machine n’en sont qu’à leurs débuts. Muse, égérie, nymphe, la femme est aussi, littéralement, cet objet qui vient orner l’inventaire du gentleman collectionneur, et que l’on retrouve déclinée en peinture (Tamara de Lempicka), dans le mobilier et sur les tapisseries, dans l’architecture et la sculpture, et jusque, donc, dans l’industrie.

Vous aimerez aussi

Carnets d’exposition, hors-série, catalogues, albums, encyclopédies, anthologies, monographies d’artistes, beaux livres...

Visiter la boutique
Visiter la boutique

À lire aussi