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L’une des premières peintures de l’Amérique était anti-colonialiste

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Publié le , mis à jour le
L’une des récentes acquisitions du tout neuf Rijksmuseum d’Amsterdam est un étrange tableau d’un maître hollandais du XVIe siècle, représentant une scène de combats entre Indiens et conquistadores. Spolié par les Nazis, ayant appartenu à Hermann Göring, c’est aussi, étonnamment, une représentation anti-colonialiste.

Jan Mostaert, La Découverte de l’Amérique, 1525–1540, Amsterdam, Rijksmuseum.

Récemment rouvert, le Rijksmuseum d’Amsterdam a acquis ce tableau daté entre 1525 et 1540, soit seulement quelques dizaines d’années après la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb. Il s’agit de l’une des premières peintures représentant le continent, due à l’artiste hollandais Jan Mostaert. Celui-ci, originaire de Haarlem (en Hollande) n’a jamais mis les pieds en Amérique, mais est célèbre pour ses représentations des « Indes occidentales », ou son Portrait d’un homme africain, connu comme étant le seul portrait d’homme noir de la Renaissance (également conservé au Rijksmuseum d’Amsterdam).

La Découverte de l’Amérique est donc un tableau imaginaire. On y voit une scène de la conquête espagnole, montrant les conquistadores en costume militaire menacer de leurs canons et de leurs fusils les indigènes nus, qui se défendent avec leurs seuls arcs et flèches – il s’agit sans doute du peuple Zuñi, présent sur le territoire de l’actuel Nouveau-Mexique, aux Etats-Unis. S’il a pu voir des gravures représentant hommes et animaux locaux, Mostaert n’a sans doute pas eu accès à des images de paysages, celles-ci étant alors très rares. Aussi les collines, arbustes et pics escarpés, ainsi que la perspective atmosphérique sont-ils plutôt influencés par les paysagistes européens de l’époque, comme Joachim Patinir. L’artiste se serait également inspiré des récits de l’époque, notamment de celui de la recherche des sept cités d’or par Francisco Vásquez de Coronado.

Une histoire particulière

Si l’image n’a rien de réel (les animaux représentés sont plutôt ceux que l’on trouve en Europe, et les habitats troglodytes purement fictifs), elle présente une vision relativement critique de la conquête, l’inégalité des deux groupes étant flagrante, malgré la supériorité numérique des Indiens. Ceux-ci n’ont ici rien de sanguinaire ou de barbare, comme le veulent les récits de l’époque, mais sont plutôt montrés (de manière non moins imaginaire), comme un peuple primitif, sortes d’Adam et Ève vivant nus dans l’innocence. L’un d’eux se fait même transpercer sans pitié.

Le tableau a par ailleurs une histoire particulière, puisqu’il fait partie des quelques 200 œuvres rendues à Marei von Saher, belle-fille de Jacques Goudstikker, marchand d’art juif d’origine hollandaise dont la collection fut spoliée par les Nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. La Découverte de l’Amérique fut alors intégrée à la collection de Hermann Göring (commandant en chef de la Luftwaffe), puis exposée au musée Frans Hals de Haarlem après la guerre, jusqu’à ce qu’une action en justice ne permette qu’elle soit rendue à la famille de son propriétaire en 2006. L’œuvre, vendue par Marei von Saher au Rijksmuseum via la Simon Dickinson Gallery de Londres et New York, était mise à prix 14 millions de dollars (soit 10,9 millions d’euros).

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