Article proposé par Exponaute
Fils d’ouvrier, Jules Dalou naît en 1838 à Paris, pendant la monarchie de Juillet. Il débute sa carrière pendant le Second Empire (1851–1870), qui peuple Paris et la France de sculptures : c’est la mode des monuments et des statues aux grands hommes, qui va de pair avec un grand réaménagement urbain. Chaque place, chaque lieu marquant de la ville doit avoir son monument, et les sculpteurs ne chôment pas.
En 1870, alors que l’État vient de lui acheter sa Brodeuse, Dalou participe à la guerre, puis un an plus tard prend part aux événements de la Commune de Paris, aux côtés de Gustave Courbet, qui le nomme administrateur provisoire adjoint du musée du Louvre. En tant que Communard, il est ensuite contraint à s’exiler en Angleterre avec sa famille, et ne sera gracié qu’en 1879.
Pendant son exil à Londres, Dalou réalise de nombreuses œuvres intimistes, notamment des bustes de sa femme et de sa fille, regardant du côté des portraits gracieux du XVIIIe siècle. Il s’engage sur le terrain du réalisme, abandonnant les sujets antiquisants ou mythologiques. En 1879, il propose une maquette en plâtre pour le concours ouvert pour un monument à la République, sur la place du même nom, à Paris. Le projet n’est pas choisi (c’est la statue de Marianne de Léopold Morice qui remporte le concours), mais les conseillers municipaux le retiennent pour orner la place de la Nation.
Le monument conçu est gigantesque : vingt-deux mètres de long, douze de haut et autant de large, des figures de plus de quatre mètres. Dalou mettra dix ans à sculpter un monument provisoire en plâtre et dix de plus à réaliser l’œuvre en bronze définitive.
Jules Aimé Dalou, Le Triomphe de la République, esquisse du monument de la Place de la Nation, 1879, plâtre patiné © Fr. Cochennec et E. Emo/Petit Palais/Roger Viollet.
Le monument est inauguré en novembre 1899, et est l’occasion d’une grande fête républicaine (Dalou meurt trois ans plus tard, à l’âge de soixante-cinq ans). On y voit, surplombant l’ensemble, Marianne debout sur un globe terrestre lui-même posé sur un char tiré par deux lions, symboles de force, et conduit par le Génie de la Liberté (reconnaissable à la flamme qu’il brandit, à l’instar de la statue de Bartholdi à l’entrée du port de New York). Autour d’elle, plusieurs allégories poussent le char : le Travail (un forgeron, marteau sur l’épaule), la Justice (tenant la main de Justice), la Paix (nue, répandant les fruits de l’Abondance). Un enfant évoque l’École, pilier de la République.
Chacun est sculpté avec beaucoup de réalisme et de spontanéité, et l’ensemble donne une sensation de vie et de mouvement inédite, combinant modernité des thèmes et élan baroque, avec de nombreux détails (animaux, fleurs, vêtement, attributs) qui semblent saisis sur le vifs. Une exubérance à rebours de la rigueur habituelle des monuments politiques (notamment de la Marianne de la place de la République), qui fut heureusement décelée par les décideurs municipaux de l’époque pour trouver la place qu’elle méritait à Paris.
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