Article proposé par Exponaute
Rues bleutées et désolées du port normand des Parapluies de Cherbourg, couleurs éclatantes de la ville ensoleillée des Demoiselles de Rochefort : le cinéma de Demy est un Technicolor qui n’a rien à envier aux toiles de l’Américain Edward Hopper, dont on retrouve dans le regard lunaire des sœurs Dorléac la mélancolie des figures féminines.
L’exposition de la Cinémathèque présente une œuvre d’Ed Ruscha, l’une de ses célèbres sérigraphies de stations-services de la série Standard Station. Manière de rappeler l’importance dans les films de Demy des espaces vides – exemple la grande place de Rochefort – et des signes de la modernité, visibles notamment dans la Californie de Model Shop, tourné en 1968 à Los Angeles.
Jacques Demy peintre semble surtout influencé par l’hédonisme solaire – sensible dans les Demoiselles de Rochefort et la luxure hippie de Model Shop – du Californien David Hockney, dont est exposée l’une des Swimming Pools. On note également, dans ses nus solitaires sur la plage, une pointe de surréalisme à la Picasso ou à la Magritte.
Reconstituée dans l’exposition, la galerie d’art moderne Lancien, où sont tournées plusieurs scènes des Demoiselles de Rochefort, abrite des œuvres de Pop Art et d’Op Art, un portrait de Delphine dans le style de Bernard Buffet, ainsi qu’un Mobile de Calder. L’intérêt de Jacques Demy pour l’art moderne se retrouve également dans sa manière d’abstractiser les formes et de rendre ses films très graphiques, par les couleur nettes et les motifs simples.
Dans la même scène de la galerie Lancien, on retrouve une œuvre qui évoque fortement les Tirs de Niki de Saint-Phalle : à proximité d’un revolver, des sacs de peinture sont suspendus au-dessus d’une toile, dont certains ont éclaté et laissé la couleur se répandre sur le support. Œuvres abstraites et colorées, les Tirs de la « Nouvelle Réaliste » n’en sont pas moins des témoignages de violence. Une violence sourde que l’on retrouve dans les films de Demy, où il est souvent question d’amour, mais aussi d’inceste (Peau d’âne, Trois places pour le 26), de mort (Une chambre en ville) ou de prostitution (Lola).
Comme chez le peintre nabi Edouard Vuillard (et son confrère Pierre Bonnard), Jacques Demy surcharge de motifs décoratifs et de couleurs saturées les intérieurs dans lesquels les personnages étouffent de leur propre vie : couple déchiré d’Une chambre en ville, corps contraint de Lola, destins inextricables des Parapluies de Cherbourg, drame rouge sang de Parking.
Grand admirateur de Jean Cocteau et de La Belle et la Bête, Demy s’en inspire largement pour adapter le Peau d’âne de Charles Perrault, avec Catherine Deneuve et Jacques Perrin, dont on retrouve les motifs fétiches : robes féeriques, miroir, château, rose, etc. En 1985, il fait également jouer son idole Jean Marais dans son avant-dernier film Parking, inspiré de l’Orphée de Cocteau, bouclant ainsi la boucle.
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