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Olivier Mosset, le degré zéro de la peinture (ou presque)

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Publié le , mis à jour le

Le musée régional d’art contemporain de Sérignan, près de Béziers, est une institution lumineuse, où les jeunes artistes côtoient les plus confirmés – Daniel Buren et Felice Varini y faisant office d’intercesseurs in situ. Il accueille une importante rétrospective d’Olivier Mosset, où il est question de « degré zéro de la peinture », mais aussi de faux et de ratés.

Screenshot de Fun and games for everyone, film de Serge Bard (1968).

On ne comparera pas Jacques Demy (célébré en ce moment à la Cinémathèque française) à Olivier Mosset, tant leurs œuvres sont éloignées l’une de l’autre (quoique le premier ait montré dans ses films son intérêt pour l’art de son temps, notamment l’art abstrait), mais on aimerait appliquer à l’œuvre de l’artiste cette phrase du cinéaste : « Je préfère un film léger sur un sujet grave, qu’un film grave sur un sujet léger  ». L’art, lui aussi, est un sujet grave, mais depuis une quarantaine d’années Olivier Mosset l’aborde de manière légère – et même avec une légèreté croissant avec le temps qui passe.

Le Suisse Mosset, 67 ans et barbe longue, s’est fait tatouer sur le mollet une toile de l’Américain Pollock. Signe d’allégeance à un grand peintre moderne dont l’artiste ne partage cependant pas l’esthétique, et se situe même à l’opposé : Mosset est issu du groupe BMPT (regroupant les artistes Buren, Mosset, Parmentier et Toroni), qui prôna dans les années 1960 le « degré zéro de la peinture » et le recours à un motif unique, réduisant volontairement la peinture au statut d’objet. Une démarche en réaction à l’expressionnisme abstrait de Pollock et consorts, à un lyrisme jugé grandiloquent et des artistes poseurs.

Olivier Mosset est depuis quelques années en froid avec Daniel Buren, pour cause de soi-disant trahison à l’intransigeance conceptuelle d’origine. Car si le Français se tient depuis bientôt un demi-siècle à ses bandes verticales, le Suisse a abandonné depuis quelques années le A majuscule et le cercle noir qui caractérisaient ses premières toiles. Il s’installe aux États-Unis à New York en 1977 et, sans doute inspiré par la radicalité de l’art minimal américain et des grands espaces qu’il arpente au guidon de sa Harley-Davidson, il s’attaque à une autre forme de degré zéro de la peinture : le monochrome.

Vue de l’exposition Olivier Mosset au musée régional d’art contemporain de Sérignan, 2013.

Malgré la sérialité et la rigueur des œuvres, l’exposition de Sérignan montre que pour Olivier Mosset l’art est d’abord un jeu, et que la neutralité recherchée peut amener, malgré soi, à l’émotion. L’artiste, singeant la rigueur de l’époque BMPT, a fait réaliser par d’autres des toiles intitulées Fakes (à la peinture polyuréthane, utilisée pour les carrosseries de voitures), tandis que les toiles « ratées » à la surface craquelée (les Failures) sont finalement conservées et ajoutées au corpus. Mosset malmène la peinture tout en produisant un travail léché. Ainsi, déposées une à une dans l’espace d’expo au cours du montage, les toiles sont laissées par la volonté de l’artiste dans leur ordre d’arrivée. 

Pour l’ex-BMPT qui réalise des sculptures monumentales en forme de barres de chocolat Toblerone (suisse) et en appelle d’autres Cimaises, l’œuvre reste un objet. Et pourtant, l’émotion envahit le spectateur en immersion face à un immense monochrome jaune – cette qualité « émolliente » de la peinture raillée par ses acolytes d’autrefois –, et le ventre se sert lorsqu’on pénètre dans une pièce où se font écho des séries de monochromes noirs et blancs, évoquant un funérarium. Ironique, Mosset fait sourire lorsqu’il peint une série de X et de O (référence à l’affectueuse expression américaine « xoxo »), ou emprunte un motif triangulaire aux zapatistes mexicains, qui reprend la forme utilisée par son ancien compagnon de route Buren dans l’installation in situ de celui-ci à Sérignan.

Projeté dans l’exposition, Fun and games for everyone est un film de Serge Bard, superbe noir et blanc ultra-contrasté défilant au son du free jazz de Barney Wilen. Réalisé pendant le vernissage de la première expo personnelle d’Olivier Mosset à la galerie Rive Droite, à Paris, en 1968, c’est une œuvre hypnotique, d’une liberté totale et en même temps d’une grande rigueur formelle, à l’image de son sujet même. 

 

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