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Bryan Lewis Saunders, portrait(s) d’un artiste sous influence(s)

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Publié le , mis à jour le
Bryan Lewis Saunders, 44 ans, est artiste, poète, performeur. Découvert à l’occasion de l’exposition Sous influences, à la Maison rouge, où il expose ses autoportraits réalisés sous l’effet de drogues diverses, l’artiste américain œuvre aux limites de la conscience. Portrait(s).

 Bryan Lewis Saunders, It’s the symmetry of my face n°1.

Depuis bientôt dix-huit ans, et la date du 30 mars 1995, Bryan Lewis Saunders dessine chaque jour un ou plusieurs autoportraits sur des feuilles de même format A4, qu’il classe soigneusement dans des grands livres reliés. Il en a réalisé à ce jour près de 9000. Ainsi explique-t-il sa démarche : « Depuis des siècles, les artistes se sont inclus dans des représentations du monde qui les entoure. Je fais exactement l’opposé. Je mets le monde qui m’entoure dans des représentations de moi-même ». Chaque autoportrait est en effet influencé par une situation extérieure (luminosité, température, exiguïté), un sentiment (douleur, désir, anxiété), un événement (perte d’un proche, arrêt du tabac).

En 2001, Saunders mène une expérience pendant plusieurs semaines : ses autoportraits sont cette fois-ci exécutés sous l’emprise de drogues et de médicaments prescrits par des psychiatres, complices de son projet artistique. De la marijuana au Xanax et à la cocaïne, en passant par les « sels de bain » et l’air sec, leur qualité et leur quantité sont mentionnées sur chaque dessin. Il y en a une cinquantaine, dont une grande partie est exposée à la Maison rouge. Ainsi, au sujet du dessin effectué sous Trazodone (un antidépresseur), Bryan Lewis Saunders explique au Guardian : «  Le Trazodone m’a donné une grande sensibilité à la lumière. J’ai dû éteindre toutes les lampes, mais rester dans l’obscurité était terrifiant ».

Bryan Lewis Saunders, 100 mg Trazodone.

Du portrait fouillé à la Giacometti, réalisé sous Valium, à celui, psychédélique, exécuté après avoir ingéré des champignons hallucinogènes, les portraits de Bryan Lewis Saunders se suivent et ne se ressemblent pas. Au point que l’on se demande si, avant de commencer à dessiner, l’artiste ne se met pas en condition en fonction de la drogue qu’il a absorbée : traits acérés pour la cocaïne, correspondant à son effet euphorique, flou pour l’absinthe aux propriétés désinhibantes, cubisme analytique sous morphine, etc. Mais il n’en fait pas la glorification (« La drogue vous rend affreux »), et regrette que la célébrité lui soit venue grâce aux dessins de drogue, qui ne représentent qu’une infime partie de son œuvre.

« Art is the best therapy in the world »

Parmi ses autres activités, Bryan Lewis Saunders collecte les photos de famille jetées dans les poubelles, envoie des cartes postales sur lesquelles il colle des touffes de poils « afin de faire savoir à ses proches qu’ils [lui] manquent », collabore avec des musiciens et a notamment passé quatre semaines avec un entonnoir branché entre sa bouche et ses oreilles, afin d’« entendre le monde à travers sa bouche ».

Saunders vit dans une relative pauvreté, dans un logement social de Johnson City, Tennessee, mais refuse de vendre ses dessins malgré les sollicitations quotidiennes. Poète performeur, il est aussi connu pour ses harangues enflammées (parfois mises en musique), où la « stand-up comedy » à l’américaine est remplacée par la « stand-up tragedy ». Auteur de performances un rien risquées, l’artiste reprend à son compte la rage poétique de la beat generation, la hargne des hosts de la radio américaine et le lyrisme du spoken word et de la performance poetry. Dans cette logorrhée plus ou moins logique qui frôle parfois l’automatisme du parler glossolalique, Bryan Lewis Saunders côtoie les limites de la conscience – comme il le fait dans ses autoportraits « sous influence ».

A partir de 2003, l’artiste enregistre les monologues qu’il prononce dans son sommeil de « somniloque » : il les retranscrit dans des livres, selon la méthode d’écriture du « courant de l’inconscience », ou les enregistre sur disques, après qu’ils aient été réinterprétés par des musiciens. Comme les autoportraits, ces Sleep Works procèdent d’un mécanisme de perturbation des perceptions et font appel aux notions de hasard et d’automatisme, un peu à la manière des séances spirites surréalistes. « Art is the best therapy in the world », affirme Saunders, qui refuse d’être qualifié de psychotique et préfère le mot (anglais ) « intense ». Que l’on traduira par : passionné, à vif, exalté.

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