Article proposé par Exponaute

L’art contemporain à Lille, c’est “Fantastic” !

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Publié le , mis à jour le
Il était une fois Fantastic. Une invitation aux songes et aux rêves. Une manifestation organisée par l’association Lille 3000 qui œuvre, depuis l’édition Lille 2004, en faveur du rayonnement artistique et créatif de la ville. Cette période de l’année, propice à la découverte d’artistes contemporains aux quatre coins de l’Hexagone (voir la Fiac et les foires off…) nous a menés sur les terres du Nord pour quitter les frontières du réel et se laisser porter par la magie, l’intrigue et le fantastique. Parcours.

A une heure seulement de Paris en TGV, Lille est cet automne incontournable pour tous les amoureux de l’art contemporain. Fantastic a investi les moindres recoins de la ville (place, rue, chapelle, musée…) pour proposer au public pléthore d’installations, toutes plus surprenantes les unes que les autres.

Fujiko Nakaya, Nuage de mer © JustineAS1.

En sortant de la gare Lille Europe, on a tout de suite cette impression que la météo nous joue des tours. Baignée dans un épais brouillard, l’esplanade François Mitterand prend les allures d’un mauvais film d’horreur. Point de dame blanche à l’horizon, mais un Nuage de mer, installation proposée par l’artiste japonaise Fujiko Nakaya, « sculpteuse de brume ». Cette création immatérielle nous emmène au cœur d’une substance impalpable laissant des impressions visuelles uniques. Le ton est donné.

Avant de découvrir plus en avant le labyrinthe de surprises concoctées par Lille 3000, partons en périphérie, au Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut de Villeneuve d’Ascq à la découverte de l’exposition La ville magique. La rencontre entre l’humain et l’urbain y est une aventure mystérieuse et onirique qui passe par une effervescence de représentations artistiques (photos, vidéos, gravures, sculptures, peintures, collages …).

Karl Völker, Gare, vers 1924–1926.

Conçue comme une déambulation, l’exposition prend la forme de dédales ponctués de fenêtres et d’artères (quatre parties : « La ville verticale », « La ville collage », « Le théâtre de l’inconscient » et « De l’errance à l’enquête ») qui s’ouvrent vers une interprétation, une sensation d’un artiste sur sa ville. Introduits par un extrait de film, ces quatre métaphores ou contes, donnent à voir des cités, américaines et européennes, qui, bouleversées par l’industrialisation, sont le théâtre du rêve et de l’imaginaire.

Impressionnantes par leur inquiétante verticalité, à l’image des gratte-ciels représentés par la peintre Georgia O’Keeffe (City Night), les métropoles bouillonnent grâce à l’homme, qui leur confère une âme indispensable à leur existence et leur dynamisme (Francis Picabia, La Ville de New York aperçue à travers le corps). Sans lui, l’espace vide prend une dimension angoissante (Paul Delvaux, La ville lunaire). D’un autre côté, l’exposition donne à voir la monstruosité de l’homme anonyme possédé par la ville, qui ne fait plus qu’un avec elle à l’instar des troublantes toiles de l’artiste Karl Völker, La pause de midi des travailleurs et Gare. La troisième partie  donne à voir l’interprétation des surréalistes d’une scène ouverte sur l’imaginaire. Chaque recoin de la ville, est le fruit, chez Paul Delvaux (La rue du tramway), Victor Brauner (La ville qui rêve) ou encore Conroy Maddox (La Leçon), d’un scénario constitué de multiples symboles et apparitions fantastiques qui remettent en question notre regard. Pourtant familières, les métropoles restent un objet de fantasme et d’incertitude.

Arno Gisinger, Atlas, suite, 2012.

Sueurs froides. Première pensée en pénétrant dans les Histoires de fantômes pour grandes personnes au Studio national des arts contemporains, Le Fresnoy, de Tourcoing. Dans l’imagerie populaire, le fantôme est souvent associé à une  manifestation surnaturelle. Ici, il s’agit avant tout de mémoire, de souvenirs et de survivances des êtres et de leur histoire. Composée de deux installations, Atlas, suite d’Arno Gisinger et Mnémosyne 42 (nom grec de la déesse de la mémoire), pensée par Georges Didi-Huberman, cette exposition est un hommage à l’œuvre de l’historien d’art Aby Warburg, fondateur de l’iconologie. L’intérêt de ces deux propositions réside dans l’écho qu’elles se font dans l’espace, mais également dans leur signification. Les 120 photographies d’Arno Gisinger occupent la totalité de la coursive, surplombant le montage vidéo conçu par Georges Didi-Huberman. Au sol, des projections, en noir et blanc et en couleur, se répondent par leur thématique, la lamentation, mais également par leurs sonorités, diffusées à intervalle régulier dans l’espace. La vie éphémère et fantomatique des images suggère l’infime préciosité de l’existence. Une angoissante réalité.

Nick Cave, Soundsuits. DR.

Revenons vers Lille, clé de voûte de cette manifestation Fantastic 2012 et son incontournable exposition Phantasia au Tri Postal. Il est difficile de faire une vraie sélection au regard de la richesse et de la diversité des onze artistes proposés sur les deux étages du bâtiment. Dans cet espace dédié à la rêverie, la folie, l’horreur et la fantaisie, soulignons les propositions fantomatiques et squelettiques de Théo Mercier, La famille invisible ou encore Desperanza, sans oublier le très curieux Solitaire en spaghettis. Au premier étage, nous ouvrons les portes de l’univers très punk de Marnie Weber (The Whispering Chamber). Dans une pièce éclairée par de vieux abat-jours isolés de tapis de brocante, se joue devant nous une pièce au scénario étrange. Les personnages, mi-hommes mi-animaux, séquestrent une femme dont l’expression est un troublant mélange entre plaisir et dégoût.

Plus loin, l’extravagant Nick Cave nous présente ses personnages fantasmagoriques, les Soundsuits. Tout droit sortis d’une autre planète, ces envahisseurs aux multiples couleurs et matières (fourrures, peluches, jouets, boutons…) égaient l’espace, subjuguent et impressionnent par leurs postures étranges. Moment de nostalgie et d’ingéniosité avec The Tenth Sentiment de Ryota Kuwakubo. Dans une grande pièce circule un petit train d’enfant qui éclaire différents objets répartis le long des rails. Projetés sur les murs, les ombres de ces dits objets révèlent des arbres, des ponts, des immeubles… Un bel exemple d’art du détournement. Prévoir deux bonne heures pour prendre le temps de se laisser aller à l’interprétation…

Daan Roosegaarde, Lotus Dome, DR.

Une des particularités des éditions de Lille 3000 est de loger l’art contemporain là où on s’y attend le moins. Prenez par exemple l’Eglise Sainte-Marie-Madeleine. De prime à bord, on ne s’attend pas à y trouver une avalanche de vaisselle. Intitulé God Hungry, cette œuvre monumentale, créée par Suboth Gupta, est insérée dans les arcades du bâtiment depuis 2006. Contournez cette déferlante, et vous vous retrouvez face au Lotus Dome. Dans la pénombre d’une chapelle, cette sphère, composée de milliers de petits feuilles d’aluminium, réagit au contact humain. Dès que vous vous approchez, une source de lumière jaillit du cœur, provoquant la contraction des pétales. Une belle proposition d’interaction entre l’art et le public, un moment magique et envoûtant.

Jean-François Fourtou, La maison tombée du ciel, DR.

Fantastic 2012 est également une invitation à la divagation, à la rencontre au hasard avec l’art contemporain. Au détour d’un mur de brique, à l’Ilôt Comtesse, on tombe nez à nez avec une maison, grandeur nature, plantée, à l’envers, par le toit, dans le sol. Devant cette Maison tombée du ciel de Jean-François Fourtou, une visite s’impose. En rentrant à l’intérieur, tous nos sens sont chamboulés. Le lit, la télévision, la salle de bain, l’escalier… se retrouvent au-dessus de nos têtes.  Une impression étrange de vertige nous gagne rapidement.

Et pour terminer ce parcours, faites un détour par le hall de la gare Lille-Flandres. Vous y trouverez, suspendu dans les airs, UFO, la soucoupe volante de Ross Lovegrove, qui par intermittence, s’illumine et vous transportera peut-être dans son couloir de lumière à travers les multiples curiosités de l’art contemporain.

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