Article proposé par Exponaute
Vienne n’en finit plus de célébrer son enfant prodige, l’un des artistes les plus célèbres et les mieux cotés au monde (Le Portrait d’Adèle Bloch Bauer II a été adjugé pour une somme avoisinant les 67 millions d’euros lors d’une vente aux enchères chez Christie’s en 2006). En tout, dix musées lui rendent hommage cette année. Le Belvedere et le Wien Museum exposent cette année les œuvres de Klimt présentes dans leurs collections. La Künstlerhaus montre ses correspondances et ses photos pour mettre en avant les relations privilégiées qu’il a entretenues avec ses contemporains. La Secession de Vienne a invité un plasticien contemporain à mettre en place une plateforme pour que le public puisse voir de près la Frise de Beethoven. Le musée des Arts populaires et du Folklore met l’accent sur les créations textiles de la « muse » de Klimt, Emilie Flöge. La programmation ravit déjà le grand public, qui raffole de l’œuvre de Klimt.
Cette fièvre s’explique en partie par l’aspect décoratif de son œuvre. Les corps pâles et étirés, les ors et les ornements de ses icônes parfois érotiques charment aujourd’hui plus l’œil qu’ils ne le dérangent. Klimt a eu davantage d’impact sur le graphisme et le design que sur les arts plastiques. Les griffes Dior et Christian Lacroix se sont inspirées de son esthétique pour leurs collections, l’horloger de luxe Jaeger-LeCoultre a réalisé une pendule enchâssée dans un cabinet orné du Baiser… Ces hommages, peut-être trop clinquants, restent cohérents avec la volonté de Klimt d’incorporer le beau dans tous les aspects de la vie. Il n’établissait aucune hiérarchie entre la peinture, la mosaïque, l’architecture, la mode et les objets usuels… En témoigne son goût pour la décoration d’intérieur, mais aussi les vêtements qu’il a conçus avec Emilie Flöge.
L’anniversaire accentue encore la klimtomania. Une pièce de 50 euros et un Google Doodle ont été édités pour l’occasion. Il faut aussi mentionner la comédie musicale, inspirée de la vie de l’artiste. Le Wiener Grand Hotel vend un kouglof Gustav Klimt. La chaine de pâtisserie Aida lance conjointement deux sucreries sans doute plus faciles à déguster qu’à prononcer : la Gustav Klimt Würfel (truffe en chocolat à la menthe) et la Gerstner Klimt Torte (gâteau à la pâte d’amande, au chocolat et à la crème). Les champagnes Schlumberger y vont aussi de leur cuvée spéciale, à consommer avec modération. Déjà l’indigestion guette, mais le pire reste à venir…
Le Wien Museum a pris le parti de se rire du phénomène en lançant une campagne Facebook The Worst of Klimt (Le Pire de Klimt). Les internautes sont invités à soumettre les plus insolites et les plus kitchs des objets estampillés Klimt. Un musée des horreurs qui contient tout et (surtout) n’importe quoi : parapluies, pull-overs pour chien, chats en faïence, baskets Nike, poupées Barbie, planches de skateboard… Quant à savoir qui détient la palme du mauvais gout, on hésite encore entre la lunette de WC et le cercueil Klimt. On l’aura compris, il suffit d’un rien pour « klimter » un objet : une arabesque empruntée au Cycle d’Or, une poignée de pierreries pur toc, des fleurs mouchetées…
Visuel pour la campagne Facebook « Le Pire de Klimt » © Wien Museum.
En dépit de la « joliesse » de certains de ses motifs, les œuvres Gustav Klimt ont souvent été jugées obscènes par ses contemporains. Il a été l’un des artistes les plus controversés et les plus admirés de son temps. Révolté contre son époque et résolument avant-gardiste, Klimt a défendu jusqu’au bout sa vision de l’art, libre de toute morale. Il avait écrit cette citation de Friedrich von Schiller au-dessus de son œuvre Nuda Veritas : « Si tu ne peux plaire à tous par tes actes et ton art, plais à peu. Plaire à beaucoup est mal ». Une sage maxime qui orne déjà un t-shirt et un mug…
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