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Le Radeau de la Méduse, portrait d’un chef-d’œuvre

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Publié le , mis à jour le
Sous le commissariat de Bruno Chenique, historien de l’art et spécialiste de Théodore Géricault, le musée Roger-Quilliot de Clermont-Ferrand présente une exposition sur la genèse de l’un des plus célèbres tableaux de l’histoire de la peinture française, Le Radeau de la Méduse. Analyse d’une œuvre politique, plastique, ouverte aux interprétations et détournements divers.

Théodore Géricault, Le Radeau de la Méduse, 1818–1819, Paris, musée du Louvre.

Peint entre 1818 et 1819, Le Radeau de la Méduse – initialement intitulé Scène d’un naufrage – est l’histoire d’un scandale. Celui d’une catastrophe maritime survenue en 1816, qui provoqua la mort de 160 personnes, noyées au large de la Mauritanie après avoir embarqué sur la frégate Méduse. Après avoir échoué sur un banc de sable, 137 personnes parvinrent à surnager sur un grand radeau de fortune, souffrant de faim, de déshydratation, allant jusqu’à se dévorer les unes les autres… Seules dix d’entre elles survécurent.

Trois ans plus tard, Géricault, âgé de vingt-huit ans, présente sa toile de près de cinq mètres sur sept au Salon. Elle provoque admiration et rejet, enthousiasme et dégoût. Exposée peu après à Londres, elle établit le jeune artiste (qui mourra quatre ans plus tard) comme l’un des chefs de file de l’école romantique.

Géricault a réalisé des dizaines d’études préparatoires (visibles dans l’expo du musée Roger-Quilliot), afin de rendre les corps aux muscles saillants, la pâleur terrifiante des chairs en voie de décomposition, cette lumière entre jaune et vert qui précède l’aube. Le peintre s’inspire là de la puissance expressive des grands maîtres de la Renaissance, comme Michel-Ange (notamment dans les corps des damnés du Jugement Dernier), mais aussi d’artistes plus récents, comme le baron Gros, l’une des principales influences de l’artiste, qui peignait une dizaine d’années auparavant les soldats de Napoléon morts à la Bataille d’Eylau.

Théodore Géricault, détail de La Bataille d’Eylau, 1807, Paris, musée du Louvre.

Certains ont vu dans le sujet de la toile la métaphore d’un gouvernement à la dérive (voir les détournements récents de l’image), celui de la Restauration incarnée par Louis XVIII. Pour d’autres, la figure du « Maure » placé en proue du radeau et agitant un tissu est le symbole de la lutte pour la liberté des peuples africains – et des populations oppressées en général. Le navire que l’on distingue à peine au loin, et la lueur qui affleure à l’horizon disent l’espoir d’un avenir meilleur, par opposition avec les cadavres au premier plan, glissant vers le néant.

Manifeste politique déguisé, Le Radeau de la Méduse est surtout un manifeste esthétique. Construit à partir de triangles imbriqués, le tableau multiplie les lignes opposées, dans un mouvement ascendant porté par les gestes des uns et des autres. S’y distinguent diverses attitudes : résignation du personnage accoudé, tournant le dos à la lumière, espérance de ceux qui tendent les bras vers le bateau salvateur, abandon des corps défaits. Par son outrance et sa fougue mêlées de rigueur (que l’on retrouve chez son contemporain Delacroix, dans La Liberté guidant le peuple), l’œuvre atteint le paradoxe d’un classicisme romantique.

Albert Uderzo, planche extraite d’Astérix légionnaire.

Le Radeau de la Méduse, œuvre polysémique, a donné lieu à de nombreuses reprises ou parodies, dans l’art (chez John Connell, Gérard Rancinan ou ), la littérature (François Weyergans a écrit un roman éponyme), la musique (chez le groupe The Pogues), le cinéma (film éponyme avec Jean Yanne racontant l’histoire du naufrage et de la réalisation du tableau) ou la bande dessinée (ainsi dans Astérix légionnaire).

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