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Gerhard Richter, figuration vs abstraction

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Publié le , mis à jour le
Pas facile de définir l’art de Gerhard Richter. Quelques mois après la Tate Modern de Londres, puis la Neue Nationalgalerie de Berlin, l’artiste allemand est célébré à Paris, au centre Pompidou (ainsi qu’au Louvre, avec une exposition de dessins et travaux sur papier). Panorama propose un itinéraire passionnant dans l’œuvre du peintre aux incessantes digressions, qui hésite depuis un demi-siècle entre figuration et abstraction – et souvent décide de ne pas choisir. Analyse de deux toiles exposées à Beaubourg, emblématiques de ces deux pôles soi-disant inconciliables de la représentation.

Ema (Nu sur un escalier), 1966

 Gerhard Richter, Ema (Nu sur un escalier) [Ema (Akt auf einer Treppe)], 1966, huile sur toile, 200 × 130 cm, Cologne, Museum Ludwig/Legs Ludwig © Gerhard Richter, 2012.

Peinte en 1966, au début de la carrière de Gerhard Richter, cette toile est un évident hommage au Nu descendant un escalier de Marcel Duchamp. Quatre ans auparavant, à l’âge de trente ans, l’artiste décide de détruire toutes ses œuvres peintes et débute la pratique des « photos-peintures », toiles peintes d’après photographie.

La toile de Duchamp est une référence explicite au cinéma et aux chronophotographies d’Etienne-Jules Marey et d’Eadweard Muybridge – c’est aussi une manière ironique de relever la contradiction inhérente à l’acte de peindre le mouvement. Si l’artiste français choisit le point de vue de profil et un style cubiste, l’artiste allemand, cinquante ans plus tard, montre son modèle de face, et de manière réaliste. Il s’inspire d’une photographie de son épouse Ema, dont il estompe les contours.

Plus ici d’idée de mouvement ou de représentation cinétique, mais plutôt une image à mi-chemin entre l’intime (la photo amateur) et l’universel (le thème du nu dans l’art), dans laquelle Gerhard Richter affirme son attachement à la peinture figurative. Un acte fort, au moment où triomphent l’art minimal (Carl Andre, Donald Judd, Sol LeWitt) et l’art conceptuel (Joseph Kosuth, Art and Language).

Jaune-vert, 1982


Gerhard Richter, Jaune-vert [Gelbgrün], 1982, huile sur toile, 260 × 400 cm, Baden-Baden, Museum Frieder Burda  © Gerhard Richter, 2012.

Un quart de siècle plus tard, Gerhard Richter est passé à tout autre chose – tout en ayant entre temps emprunté divers chemins esthétiques. Avec Jaune-vert, vaste toile réalisée au début des années 1980, on est dans l’abstraction quasi totale. Toujours à rebours des courants, l’artiste retourne à l’abstraction gestuelle, alors que le monde de l’art se tourne à nouveau vers la figuration, avec l’avènement d’artistes comme Jean-Michel Basquiat, Keith Haring ou Jeff Koons.

Entre hasard et contrôle, c’est à grands coups de râteau métallique écrasant la peinture fraîche que Richter exécute ce type d’œuvres, souvent monumentales. Les couleurs acides y éclatent en aplats brutaux, ordonnés autour de lignes horizontales et verticales. On décerne ici un vague horizon bleu, qui dément l’interprétation purement abstraite de l’œuvre. Produisant une sensation de flottement, la composition agit, selon le peintre, comme « un monde de diversité en transformation constante ». Et capte l’attention du spectateur par sa puissante indétermination.

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