Article proposé par Exponaute

Le Photomaton dans l’art : une mise au point

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Difficile, parfois, de se reconnaître sur la photo (pourtant supposée « d’identité ») que nous délivre le photomaton, ce fascinant appareil de dédoublement. Tellement fascinant, d’ailleurs, que depuis son apparition, en 1928, les artistes n’ont cessé de jouer avec. La première expo consacrée au sujet, Derrière le rideau – L’Esthétique Photomaton, au musée de l’Élysée, à Lausanne, est à découvrir jusqu’au 20 mai.

Pour l’événement, ont été réunies 600 œuvres d’identités qui témoignent de l’impact de l’incroyable machine, d’Andy Warhol à Arnulf Rainer, en passant par Thomas Ruff, Cindy Sherman ou Gillian Wearing… Qui suis-je ? Qui es-tu ? Focus sur deux questions, deux œuvres et deux angles de vue. Le photomaton, côté pile et côté face.


Raymond Queneau, Photomaton, 1928, Fonds Jean-Marie Queneau/diff. éditions Gallimard.

Dans le métro, il n’y a pas que la fameuse Zazie, il y a aussi la cabine du photomaton. Zone intermédiaire entre espace public et espace privé, elle est le lieu idéal de l’introspection, celui dans lequel on se retrouve nez à nez avec son identité. En bon surréaliste, Queneau s’essaye au photomaton dès sa création. Toute puissance de la machine, situation dans des lieux publics, caractère spéculaire : l’appareil a tout pour plaire au groupe emmené par André Breton.

Ici, la réussite du cliché relève du hasard et les dysfonctionnements peuvent créer d’heureux effets : c’est l’équivalent, dans le domaine de l’image, de l’écriture automatique. Enchaînant les grimaces et se passant la main dans les cheveux, le jeune Queneau prend plaisir à jouer avec son identité, à renaître de flash en flash. L’accumulation des prises apporte de la narrativité au tout : ce que l’écrivain cherche à immortaliser ici, ce sont aussi les changements du moi soumis au temps.


Cindy Sherman, Untitled [Sans titre], 1975 © Courtesy of the Artist, Metro Pictures, collection Musée de l’Elysée, Lausanne.

Gare, couloir de métro, centre commercial : autour de la cabine, cet îlot préservé, les autres rôdent. Ces autres sans lesquels il est bien difficile de parvenir à saisir sa propre identité, et par rapport auxquels on se construit. Le photomaton peut aussi être un instrument au service des autres, ces autres qui nous répertorient et auxquels on doit fournir des photos d’identité.

De temps à autre, ils peuvent aussi faire irruption dans la cabine : famille, amis, amants. Toujours autre, et définie par sa capacité à changer d’identité, Cindy Sherman (actuellement à l’honneur au MoMA) a elle aussi expérimenté l’esthétique du photomaton. Avec Untitled, en 1975, c’est évidemment grimée et déguisée qu’elle prend place dans la cabine. La coiffure, les gants, la pose et le cadre nous renvoient aux origines du photomaton. La boucle est bouclée, le portrait, tiré.

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