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Ça va mieux en le peignant : le « Judith et Holopherne » d’Artemisia

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Publié le , mis à jour le
La vie d’Artemisia Gentileschi a tout d’un roman. Fille d’un artiste célèbre, femme violée, talent majeur de son époque, amie des grands artistes, chef d’atelier… une véritable héroïne de l’art et de la condition féminine. Le musée Maillol lui consacre sa première grande rétrospective en France. L’occasion de regarder d’un peu plus près l’une de ses fameuses toiles, qui résume la fureur de son inspiration : Judith décapitant Holopherne.

Artemisia Gentileschi,  Giuditta decapita Oloferne, vers 1612, © Fototeca Soprintendenza per il PSAE e per il Polo museale della città di Napoli.

Fiche technique

Giuditta decapita Oloferne est peint entre 1613 et 1615, à Rome, par Artemisia Gentileschi (1593–1652). L’huile sur toile de 159 cm de haut sur 126 de large est conservée au Museo Nazionale di Capodimonte, à Naples. Une seconde version est conservée au musée des Offices, à Florence.

Contexte de l’œuvre

On a souvent évoqué l’épisode du viol d’Artemisia Gentileschi par le peintre Agostino Tassi, son tuteur, comme étant à l’origine de la violence qui inspira cette œuvre. Durant le procès qui s’ensuivit, la jeune femme dut subir la torture afin de prouver qu’elle était vierge avant l’acte, et son agresseur écopa d’une année de prison – qu’il ne purgea jamais…

Iconographie

C’est donc pleine de rage que la jeune femme, âgée de vingt ans, entreprend de peindre cette scène issue de l’Ancien Testament. On y voit Judith, aidée d’une servante, tranchant consciencieusement la gorge du général Holopherne, dans le but de protéger le peuple d’Israël de l’invasion assyrienne. En voici la description dans la Bible :
« Elle s’avança alors vers la traverse du lit proche de la tête d’Holopherne, en détacha son cimeterre, puis s’approchant de la couche elle saisit la chevelure de l’homme et dit : ‘’Rends-moi forte en ce jour, Seigneur, Dieu d’Israël’’. Par deux fois elle le frappa au cou, de toute sa force, et détacha sa tête. Elle fit ensuite rouler le corps loin du lit et enleva la draperie des colonnes. » (Judith, 13.6–10).

Analyse formelle

Éclairée par la gauche dans un clair-obscur à la Caravage (voir la toile sur le même thème peinte par l’artiste en 1598–1599), la toile présente sur un fond sombre, dénué de détails, un jeu savant de lignes, suivant notamment les bras croisés des trois protagonistes. La composition forme un triangle, dont les pointes seraient les trois têtes, tandis que les bras et le glaive en constituent les côtés et diverses médianes. Le bleu et le rouge des robes de Judith et de sa servante disent leur état : froideur et colère, tandis que le blanc du drap évoque la mort.

Analyse symbolique

La violence de la scène de meurtre est rendue tant par la violente lumière et les lignes tendues des bras qui évoquent le rapport de force engagé, que par l’expression d’intense concentration des deux complices et celle, d’horreur, de la victime. Les coulures de sang ajoutent une touche gore, tandis que le geste de Judith peut être rapproché, symboliquement, d’une castration – Judith a les traits d’Artemisia Gentileschi, Holopherne ceux d’Agostino Tassi. L’œuvre serait donc pour l’artiste une sorte de catharsis, une manière d’extérioriser sa colère par l’acte créateur.

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