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Entre romantisme et “wilderness”, une œuvre de Thomas Cole

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Publié le , mis à jour le
La peinture américaine avant Edward Hopper et Jackson Pollock, ça existe ? Oui, nous rappelle l’expo-dossier Thomas Cole et la naissance de la peinture de paysage en Amérique, centrée sur une toile du peintre américain, La Croix dans la contrée sauvage. Analyse d’une œuvre emblématique de la notion de wilderness made in U.S.

Engagé avec trois musées américains (le Crystal Bridges Museum of American Art, le High Museum of Art d’Atlanta et la Terra Foundation for American Art, à Chicago), le Louvre initie un partenariat original de quatre ans, intitulé New Frontier : l’art américain entre au Louvre. Faisant suite à l’opération controversée du « Louvre Atlanta », série d’expositions d’œuvres du musée français, il prévoit une exposition par an dédiée à l’art américain.
Dans ce cadre, le Louvre organise une petite exposition centrée sur une des rares œuvres américaines de sa collection, La Croix dans la contrée sauvage (1845) de l’artiste Thomas Cole, acquise par le musée en 1975.

Thomas Cole, La Croix dans la contrée sauvage, 1845, Paris, musée du Louvre © 2008 RMN / Jean-Gilles Berizzi.

Contexte

The Cross in the Wilderness (traduction admise : La Croix dans la contrée sauvage) a été peint par Thomas Cole en 1845, soit trois ans avant sa mort, à l’âge de 47 ans. Né en Angleterre en 1801, Cole émigre aux Etats-Unis avec sa famille à l’âge de 17 ans. A propos de l’œuvre, l’artiste déclare : « Je pense que c’est une de mes compositions les plus réussies. (…) Bien que peinte en dépit d’une des fameuses règles de l’art, à savoir que la lumière ne doit jamais être exactement au centre de l’image, je pense qu’elle est susceptible de plaire, car elle est originale ».

Iconographie

Cole s’inspire directement d’un apologue de la poétesse anglaise Felicia Hemans (1793–1835), qui débute ainsi : « Silent and mournful sat an Indian chief / In the red sunset, by a grassy tomb… » (Silencieux et mélancolique, un chef indien était assis / Dans le soleil rouge, près d’une tombe herbeuse…). Un Amérindien médite au pied de la tombe d’un missionnaire européen qui l’a converti à la foi chrétienne. On retrouve là le discours impérialiste et paternaliste ethnocentré de l’Amérique des pionniers, dans lequel le « bon sauvage » doit être « civilisé », notamment par sa conversion au christianisme.
On peut rapprocher la toile d’un célèbre tableau d’Anne-Louis Girodet, inspiré de Chateaubriand et  conservé au Louvre. Dans Atala au tombeau, ou Les Funérailles d’Atala, on voit une jeune Amérindienne morte d’avoir préféré sa foi à son amour pour le beau Chactas.

Anne-Louis Girodet, Atala au tombeau, ou Les Funérailles d’Atala, 1808, Paris, musée du Louvre.

Inspirations

La lueur dorée, le contre-jour et le soleil frontal font immanquablement penser aux paysages du peintre français du XVIIe siècle Claude Lorrain. On songe aussi aux artistes romantiques, contemporains de Thomas Cole : l’Anglais Turner, l’un des héritiers du Lorrain, dans la manière d’embraser la nature par les touches de lumière dorée, mais aussi l’Allemand Caspar David Friedrich, peintre de figures solitaires méditant dans de vastes paysages.


Claude Lorrain, Tobie et l’ange, 1663, Saint-Pétersbourg, Musée de l’Ermitage.

On est ici dans un Paradis perdu, thème éminemment romantique, qui se double d’un archétype qui naît alors en Amérique à ce moment-là, celui de wilderness : la « contrée sauvage » est le paysage originel national, célébré dans la littérature de Henry David Thoreau, puis au cinéma, dans les westerns et jusqu’au film Into the wild de Sean Penn.

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