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L’atelier de l’artiste, matière à œuvres

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De plus en plus d’artistes contemporains brouillent les frontières entre leurs œuvres et la matière première présente dans l’atelier. Deux expositions,

Pour un art pauvre (inventaire du monde et de l’atelier), au Carré d’Art de Nîmes, et Guillaume Leblon – Black Apple Falls, à la Fondation d’entreprise Ricard, permettent de se pencher sur cette tendance marquée de l’art d’aujourd’hui. Analyse.

Depuis la Renaissance, et la relative liberté de sujets conquise par les artistes, l’atelier a été un motif privilégié de la peinture. Lieu de la création, il symbolise l’espace mental de l’artiste, mais représente aussi une version métonymique du monde, et peut servir à l’artiste de vivier de formes, dans lequel il puise comme dans un véritable chantier de fouilles archéologiques.

Gustave Courbet, L’Atelier du peintre, 1855, Paris, musée d’Orsay.

Environnement naturel du créateur, l’atelier a été représenté par les peintres à de multiples reprises, de Vermeer à Lucian Freud, en passant par Courbet ou Matisse. Antre de l’artiste, il n’est pas sensé être le lieu où l’on montre les œuvres, même si la visite d’atelier, réservée aux mécènes ou amateurs, est une pratique aussi ancienne que l’atelier lui-même. Ce qui y est visible n’a d’ailleurs pas le même statut, à égal degré d’achèvement, que ce qui est présenté au musée ou dans la galerie d’art, où l’objet devient œuvre. C’est là le principe fondateur du ready-made de Marcel Duchamp : le choix de l’artiste, le regard du spectateur et le contexte de présentation font l’œuvre, quel que soit l’objet sélectionné dans le réel.

Royaume de l’expérience

De nombreux artistes contemporains explorent la relation entre l’œuvre et l’atelier, dont elle serait une sorte de prolongement. Pour l’artiste autrichien Hans Schabus, l’atelier est le « royaume de l’expérience » : il y filme des scènes d’action imaginaires ou fait œuvre des détritus qu’il y a balayés. Le Mexicain Gabriel Orozco (dont on a pu voir une belle rétrospective l’an passé au Centre Pompidou) affirme que son atelier, c’est la rue, le monde. Il expose directement ses Mesas de trabajo (Tables de travail), montrant sans complexe ses boudins de terre cuite à peine transformés par sa main.

Dans une vidéo présentée cet automne à la Biennale de Lyon, Guillaume Leblon filme son atelier peu à peu envahi par une boue primordiale. L’atelier comme matrice est un thème récurrent de son travail. Son exposition Black Apple Falls, à la Fondation d’entreprise Ricard, présente une série de sculptures qui sont comme des paysages constitués d’objets glanés dans l’atelier et assemblés au gré des associations formelles et/ou poétiques. On n’est pas très loin là de la démarche surréaliste, dans cette manière de réenchanter la vie à partir des objets du quotidien.

Guillaume Leblon, Réversibilité, 2005, vue d’exposition Réplique de la chose absente, galerie Jocelyn Wolff, 2009 © François Doury, courtesy Galerie Jocelyn Wolff.

On peut également rapprocher ce processus de création de celui employé par Abraham Cruzvillegas, présent, avec Guillaume Leblon notamment, dans l’exposition Pour un art pauvre (inventaire du monde et de l’atelier), au Carré d’Art de Nîmes. L’artiste y présente ses sculptures réalisées sur le principe de l’« autoconstruccion », processus inspiré d’une pratique observée dans son barrio d’origine, à Mexico, où les maisons sont perpétuellement reconstruites à partir de matériaux trouvés. La Géorgienne Thea Djordjadze procède également au glanage dans l’atelier pour réaliser des compositions d’objets qui forment de véritables paysages avec point de vue, mais où la part de hasard est essentielle.

Rassembler une matière disséminée pour en faire une œuvre, telle est l’expérience de l’artiste au travail. L’atelier est son espace, tout autant physique que mental.

Abraham Cruzvillegas, Autoportrait détumescent et post-keynésien, nostalgique du sexe matinal en prenant un café serré avec du sucre (et un petit chocolat), 2011. Courtesy de l’artiste et galerie Chantal Crousel, Paris.

Autoportrait detumescent et post-keynesien, nostalgique du sexe matinal en prenant un café serré avec du sucre (et un petit chocolat), 2011, bois trouvé, tissu, cuivre, fer, acier inoxydable, coton, bande de caoutchouc, café, sucre et chocolat, 250 × 746 × 50 cm.

Courtesy de l’artiste et Galerie Chantal Crousel, Paris. © A. Cruzvillegas

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